La situation économique en Ukraine se détériore à l'approche des législatives dimanche et fait planer le risque d'une dépréciation de la devise nationale dans un climat des affaires au plus bas depuis deux décennies, s'inquiètent des experts.
"L'Ukraine plonge dans une récession", avertit dans une note d'analyse Erste Bank, filiale ukrainienne de l'Autrichien Erste Group.
Après une croissance de 5,2% en 2011, le Produit intérieur brut (PIB) n'a progressé que de 1,5% sur les huit premiers mois de 2012 et la tendance s'inverse, ce qui a poussé nombre d'institutions financières à réviser à la baisse leurs prévisions, parfois jusqu'à zéro pour l'ensemble de l'année.
Une perspective alarmante pour l'Ukraine, qui avait déjà été frappée de plein fouet par la crise économique mondiale, entraînant un effondrement de 15% du PIB en 2009.
Ce nouveau ralentissement s'explique par la mauvaise conjoncture extérieure pour la sidérurgie, un des moteurs de l'économie ukrainienne: les prix sur le marché mondial chutent, de même que la production en Ukraine (-12% en août sur un an).
Un autre problème est le coût élevé des crédits, dont les intérêts ont atteint 20%, privant les entreprises nationales de ressources pour leur développement.
"La politique de taux d'interêts élevés menée par la Banque nationale d'Ukraine (BNU, Banque centrale) a un mauvais impact sur l'économie", déclare à l'AFP Olena Bilan, de la société d'investissement Dragon Capital.
La BNU limite les liquidités bancaires pour éviter une dépréciation de la monnaie nationale, la hryvnia, avant les élections, explique à l'AFP Igor Mazepa, propriétaire de la société d'investissement Concorde Capital.
Le cours de la monnaie est un sujet extrêmement sensible en Ukraine, pays qui a encore du mal à oublier la considérable dépréciation de 2008 (-60% face au dollar en trois mois).
Le climat des affaires "au plus bas" depuis 20 ans
Face aux rumeurs incessantes sur un effondrement de leur monnaie après les élections, les Ukrainiens paniqués se sont déjà mis en septembre à acheter des dollars et des euros.
Malgré les démentis du gouvernement, les analystes prédisent à l'unanimité un affaiblissement de la devise nationale, l'agence de notation Fitch tablant sur une chute de 10% d'ici à la fin de l'année.
La dépréciation va compliquer davantage le règlement de la lourde facture gazière de Kiev à Moscou, qui lui coûte déjà un milliard de dollars par mois, averti Igor Bourakovski, directeur de l'Institut des études économiques à Kiev.
L'Ukraine doit donc faire de son mieux pour obtenir la reprise de l'aide financière du Fonds monétaire international (FMI), suspendue depuis deux ans, souligne Mme Bilan.
"La coopération avec le FMI est très importante, le gouvernement devant rembourser l'an prochain 9 milliards de dollars" à ses créanciers ukrainiens et étrangers, explique l'analyste.
Selon elle, Kiev devrait finir par augmenter en 2013 le prix du gaz pour la population, une mesure exigée pour le FMI mais refusée par l'Ukraine avant les élections.
En 2010, le Fonds avait accordé à Kiev une ligne de crédit de 15,3 milliards de dollars mais n'en avait débloqué que 3,4 milliards de dollars en deux versements, dont le dernier remonte à décembre 2010.
Pour ne rien arranger, nombre d'experts observent une dégradation du climat des affaires, "au plus bas depuis les 20 dernières années", selon l'expression de M. Mazepa, qui fait état d'une "pression extraordinaire" du fisc sur les entrepreneurs.
"Ils extorquent tout ce qui est possible" en exigeant notamment des entreprises qu'elles règlent leurs impôts avec plusieurs mois d'avance, dit M. Mazepa.
Face à ces problèmes, "au moins huit hommes d'affaires avec un capital dépassant 100 millions de dollars ont bradé leurs entreprises ukrainiennes" et ont émigré en Europe au cours des six derniers mois, affirme l'expert.