Le débat sur la transition énergétique, vers une société plus sobre et moins dépendante des énergies fossiles et du nucléaire, débute jeudi avec l'objectif ambitieux d'une discussion nationale "sans tabou" sur les besoins et les options de la France à l'horizon 2025 et au delà.
Après la mise en place un peu laborieuse des instances, et notamment du comité de pilotage chargé d'animer le débat et de "cadrer" les grandes thématiques, la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Delphine Batho, réunit tout le monde à Paris pour le coup d'envoi.
Va s'engager un travail de plusieurs mois pour produire d'ici l'été des recommandations au gouvernement, en vue de la rédaction d'un projet de loi en juillet.
"Ce débat est un pari. J'accepte de le faire car je crois que tous les participants souhaitent réfléchir ensemble à une société française plus sobre en carbone", a déclaré mercredi Laurence Tubiana, l'une des six "sages" du comité de pilotage.
François Hollande a fait de la transition énergétique un des chantiers prioritaires de son quinquennat. Il a déjà fixé certains objectifs: ramener la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50% d'ici 2025, fermer la centrale de Fessenheim d'ici fin 2016, développer les renouvelables et toutes les sources d'économie possibles, notamment dans le bâtiment.
Mais le débat doit permettre de se projeter jusqu'en 2025, en accord avec les objectifs de 2050 (diviser par 4 ou 5 les émissions de gaz à effet de serre). Le tout dans un contexte de renchérissement des coûts des énergies fossiles.
Economiste et spécialiste du développement durable, Laurence Tubiana estime qu'une "révolution industrielle se prépare". "Les deux tiers de notre consommation d'énergie finale sont encore d'origine fossile", rappelle-t-elle alors que la facture énergétique a pesé à hauteur de 60 milliards dans le déficit commercial en 2011.
Contradictoire et pluraliste
Nucléaire, gaz de schiste, montée en puissance des énergies alternatives (éolien, photovoltaïque, biomasse, etc.), décentralisation des centres de production d'énergies, marge d'autonomie des régions, besoins et offres en matière de transports, formes d'habitat, etc.: tous ces sujets seront abordés.
Les discussions vont débuter au sein du Conseil national du débat formé de 112 membres issus de sept collèges (Etat, employeurs, syndicats, ONG de défense de l'environnement, autres associations, élus locaux et parlementaires).
Au côté de ce "parlement", siègeront le comité de pilotage, un comité citoyen et un comité scientifique, chargé de préciser les scénarios disponibles et l'état des connaissances sur les sujets abordés.
A partir de février, des débats seront aussi organisés dans les régions.
Si Delphine Batho a promis un débat "contradictoire" et "pluraliste", elle sait aussi "qu'il y a des avis et des positions parfois diamétralement opposés", ce qui laisse augurer de tout sauf d'un long fleuve tranquille.
Greenpeace et Les Amis de la Terre, mécontents de la composition initiale du comité de pilotage, ont d'ailleurs renoncé à y participer.
La définition des besoins futurs sera le premier des chantiers à ouvrir, avant de mettre à plat les manières d'y répondre (le mix énergétique) et les coûts associés des différents scénarios.
"Il faudra bien préciser les besoins minimum, à confort constant, pour faire fonctionner correctement la société, en les distinguant du désir et du superflu", a prévenu Bruno Rebelle, un autre membre du comité de pilotage.
La Fondation Nicolas Hulot, comme les autres ONG, partage cette approche et souhaite que la sobriété soit la "priorité absolue" du débat.