PARIS (Reuters) - Officiellement sur les rangs pour la présidence de l'UMP, Nicolas Sarkozy présente dans Le Figaro Magazine un programme de candidat à l'élection présidentielle en sautant de facto l'étape d'une primaire à droite, à laquelle il dit pourtant se rallier.
Deux semaines après son retour sur la scène politique française, parasité par les sursauts de l'affaire Bygmalion, l'ex-chef de l'Etat multiplie les signaux à l'électorat le plus à droite et les propositions polémiques.
Il propose ainsi d'inscrire dans la Constitution l'interdiction de la gestation pour autrui (GPA) et la limitation de la procréation médicalement assistée (PMA) aux seuls couples hétérosexuels infertiles.
Il suggère que la France fasse la grève du traité de Schengen sur la circulation des personnes en Europe tant que de nouvelles dispositions ne seront pas prises pour enrayer l'immigration irrégulière.
Il souhaite refondre le Code du travail dans les six mois après les prochaines élections législatives, pour le concentrer sur "les seuls droits fondamentaux des salariés", renvoyant le reste à la négociation, et propose de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires supprimée par son successeur socialiste.
Il promet une "politique ambitieuse" de réduction des charges sur le travail, souhaite autoriser le travail le dimanche et, plus nouveau, diminuer les congés dits de RTT (réduction du temps de travail) ou augmenter le nombre d'heures travaillées dans les hôpitaux et certaines administrations.
S'il n'envisage pas une abrogation générale de la semaine de 35 heures, il propose de laisser aux entreprises la possibilité d'allonger la durée de travail par une négociation interne.
RETRAITE À 63 ANS
Nicolas Sarkozy promet en outre de revenir au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et d'appliquer cette mesure aux collectivités territoriales, voire "pour partie à l'hôpital".
"Sans doute faudra-t-il modifier la Constitution pour y parvenir", ajoute l'ancien président de la République, qui suggère aussi d'inscrire dans le texte fondamental une règle limitant à 50% du PIB les dépenses publiques, ce qui revient à les réduire de plus de 130 milliards d'euros par rapport au niveau actuel.
Il propose la création d'un contrat de cinq ans dans une partie de la fonction publique pour mettre fin au "statut des fonctionnaires à vie". S'il exclut de cette mesure policiers et enseignants, il plaide en revanche pour un allongement de la présence des seconds dans leurs établissements, parallèlement à une baisse de leur nombre et une augmentation de leur salaire.
Il plaide aussi pour le rétablissement du jour de carence non rémunéré en cas d'arrêt maladie dans la fonction publique "afin de lutter contre l'absentéisme".
Il estime qu'il faudra "rapidement" repousser à 63 ans au lieu de 62 l'âge légal de départ à la retraite mais ne va pas jusqu'à proposer 65 ans, comme son ancien Premier ministre, François Fillon, candidat à la primaire de l'UMP - "Attention à ne pas crisper le pays, à le pousser dans ses retranchements."
Il promet sans surprise de diminuer les impôts et de poser la question de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sans parler clairement, cependant, de sa suppression. "Je propose de désidéologiser le débat fiscal français et de réfléchir à l'avenir de notre fiscalité par comparaison avec ce que font nos voisins", dit-il.
Il juge également "urgent" de réfléchir à la perspective d'une zone économique à fiscalité harmonisée, au moins entre la France et l'Allemagne - sujet déjà mis sur la table pendant son quinquennat, sans un début de réalisation.
"BANALISER" LE RÉFÉRENDUM
Il réaffirme sa volonté de "banaliser" le recours au référendum pour contourner les blocages de la société française.
Il propose notamment de consulter les Français sur la fusion des conseils généraux et régionaux ou la réduction d'un tiers, par exemple, du nombre de parlementaires.
"Je souhaiterais que ces consultations soient organisées en même temps que le premier tour des élections législatives qui suivront l'élection présidentielle", ajoute-t-il.
Selon lui, la règle des 50% pour les dépenses publiques ou la réforme du RSA pourraient aussi être soumis à référendum.
Il confirme son revirement sur les gaz de schiste, lui qui avait interdit en 2011 la fracturation hydraulique en France. "Je ne propose pas d'installer des derricks partout mais de profiter d'une énergie disponible chez nous", explique-t-il.
Il se prononce de nouveau à ce propos pour le remplacement du principe de précaution inscrit dans la Constitution française par un "principe de responsabilité".
Accusé jusque dans son parti d'avoir trop infléchi sa campagne de 2012 à droite, il assure ne pas partager la conception d'une France "divisée en cases et en camps".
"Je reviens (...) pour parler à la France dans son ensemble. Pour lui rendre espoir", explique-t-il.
Il se rallie au principe d'une primaire ouverte, chère à ses rivaux potentiels à l'UMP, pour la désignation d'un candidat à l'élection présidentielle de 2017, et propose même de reprendre les règles déjà inscrites dans les statuts du parti.
Il juge cependant prématuré d'officialiser sa candidature : "Il y a déjà assez de candidats (...) Je voudrais simplement le dire à tous : quelle est votre chance de succès personnel s'il y a faillite collective ? Ne vaudrait-il pas mieux au préalable réfléchir à notre réussite commune ?"
(Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)