Prendre l'avion en Afrique noire pour aller à Ouagadougou, à Maputo pour un séjour balnéaire, ou à Pointe Noire pour affaires n'a jamais paru aussi simple. Mais les vols, en plein essor, restent parmi les plus chers du monde et les moins sûrs.
Dans les plus grands pays, comme l'Afrique du Sud, des compagnies à bas prix font leur apparition: Kulula, Mango, 1time et prochainement, la Santaco, annoncée par l'industrie des taxis pour assurer des liaisons intérieures peu desservies.
Pour se développer, les compagnies aériennes du continent doivent cependant surmonter beaucoup d'obstacles: verrous réglementaires, taxes élevées, sécurité défaillante et aéroports mal équipés.
Cela n'empêche, l'Association internationale du transport aérien (AITA) prédit à l'Afrique subsaharienne la seconde plus forte croissance en termes de passagers d'ici 2014.
Et des compagnies étrangères au continent font aussi ce pari, misant sur la montée d'une classe moyenne désireuse de prendre davantage l'avion.
En février 2012, Emirates Airline fera cinq rotations par semaine entre le Zimbabwe, la Zambie et Dubaï. La compagnie profite des difficultés de la compagnie nationale Air Zimbabwe qui a réduit son offre en raison de nombreuses grèves pour des impayés de salaires et d'un important endettement.
Plus généralement, Emirates Airline entend agrandir son réseau africain à 21 villes.
"On a compris depuis longtemps l'énorme potentiel de l'Afrique, aujourd'hui l'une des régions connaissant l'expansion la plus rapide, du fait de son marché de plus d'un milliard de personnes, de la demande de consommation croissante et de l'abondance des ressources naturelles", confie un dirigeant de la compagnie, sheikh Ahmed bin Saeed Al-Maktoum.
L'arrivée d'Emirates Airline inquiète.
L'association des compagnies aériennes africaines (Afraa, 40 membres) réclame le maintien de protections pour éviter une concurrence non-africaine à tout crin, et plaide auprès des gouvernements pour qu'ils autorisent davantage de vols régionaux.
Ils craignent par dessus tout de voir les passagers locaux aspirés vers des hubs lointains puis redirigés sur le continent, explique Siza Mzimzela, dirigeant de la compagnie sud-africaine South Africain Airways.
C'est déjà le cas pour certaines destinations, notamment dès qu'il s'agit de franchir les anciennes frontières coloniales. Voler de Johannesburg, membre du Commonwealth, à Pointe noire, la ville pétrolière du Congo-Brazzaville, ancienne possession française, implique une à deux escales au choix: Paris, Francfort ou Zürich.
Le marché n'est pas assez ouvert, critique Keelan Morris, un porte-parole de la compagnie nigériane Arik Air: "Les voyages en Afrique comptent pour moins de 5% du trafic mondial, mais les tarifs sont parmi les plus élevés au monde".
Arik Air s'est lancé sur le marché nigérian en 2006, avec le premier avion neuf dans le pays depuis 20 ans. Il assure aujourd'hui 29 destinations intérieures et à l'étranger, et compte ouvrir cinq nouveaux vols supplémentaires vers l'Afrique d'ici la fin de l'année.
Les problèmes de maintenance sont l'un des facteurs clé qui explique pourquoi l'Afrique enregistre un taux d'accidents douze fois supérieur à la moyenne mondiale, selon des données 2010 de l'IATA. Et encore ce chiffre ne tient-il compte que de la flotte de fabrication occidentale, et pas des accidents survenant par exemple à bord d'appareils de fabrication soviétique, recyclés en Afrique.
Voler dans certains pays est également plus dangereux que dans d'autres. La sécurité aérienne au RD Congo, par exemple, laisse notoirement à désirer.
"Certains gouvernements semblent s'ouvrir et desserrer l'étau", constate Bert van der Linden, un dirigeant de la Comair, qui assure les vols intérieurs sud-africains de British Airways. Mais, dit-il, "l'un des grands problèmes de l'Afrique en ce moment est que certains pays dérégulent leur marché, d'autres pas. Lentement mais sûrement, les choses commencent cependant à évoluer".