par Pierre Savary
CALAIS (Reuters) - Les marins en colère de la Scop SeaFrance ont entrepris lundi de bloquer le port de Calais et prévenu d'autres actions après le refus du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer de prolonger leur contrat d'affrètement.
Les accès aux navires à quai étaient impossibles lundi en fin d'après-midi, les passerelles d'accès ayant été levées, et l'échangeur autoroutier menant au port depuis l'A16 a été fermé.
Le tribunal de commerce a refusé lundi de prolonger le contrat liant Eurotunnel à la Scop SeaFrance qui exploite deux navires de la compagnie maritime MyFerryLink.
Forcé par les autorités britanniques de la concurrence, même si la cour d'appel de Londres, saisie par la Scop, a infirmé le jugement, Eurotunnel a cédé deux des trois navires de sa filiale MyFerryLink à son concurrent danois DFDS.
Réunis sur le port de Calais, sous un soleil de plomb, les marins oscillaient entre colère et abattement.
"C'est lamentable, c'est scandaleux. Eurotunnel n'a aucun honneur, aucune pudeur, ne tient aucune de ses promesses. On est méprisés", a lâché Jacques, 42 ans, marin depuis quinze au port de Calais et aujourd'hui "usé et fatigué".
Derrière leurs représentants syndicaux, les marins veulent encore se faire entendre, comme ils l'ont fait la semaine dernière en provoquant, notamment, la fermeture du tunnel sous la Manche et l'interruption du trafic ferroviaire pendant de longues heures.
"Ils les veulent les bateaux ? Qu'ils viennent les prendre !", a lancé Eric Vercoutre, responsable du Syndicat Maritime Nord, majoritaire, qui a dit prévoir "plusieurs actions coups de poing, sur plusieurs jours".
EUROTUNNEL RENVOIE SUR DFDS
Les marins de la Scop se réuniront mardi sur le Berlioz, l'un des deux navires dont Eurotunnel a décidé de céder l'exploitation à DFDS, pour décider de la suite précise de leur mobilisation.
Sur le front judiciaire, "l'espoir, c'est que le tribunal a exigé d'avoir le contrat annoncé entre Eurotunnel et DFDS avec une astreinte en cas de non-présentation, on va voir ce que cela donne", avait expliqué un peu plus tôt Eric Vercoutre.
Le contrat d'affrètement des navires Berlioz et Rodin, propriétés d'Eurotunnel, arrive à expiration mardi soir. Les responsables de la Scop avaient demandé une prolongation de deux mois pour pouvoir améliorer leur dossier de reprise.
Eurotunnel a déjà annoncé la cession à partir du 2 juillet de l'exploitation des deux navires, DFDS s'engageant à reprendre 202 salariés sur les 577 de la Scop.
Dans un communiqué, Eurotunnel a réaffirmé lundi qu'il appartenait aux administrateurs judiciaires de la Scop SeaFrance et à DFDS, à eux seuls, de mener la négociation sur la sauvegarde des emplois.
Cette position est dénoncée depuis des semaines par le gouvernement français qui a peu goûté la cession des bateaux et l'a de nouveau fait savoir mercredi dans un communiqué commun du ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, et du secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies.
"Les ministres considèrent que la décision du tribunal de commerce n'exonère pas le Groupe Eurotunnel de poursuivre ces négociations et de parvenir ainsi à une solution acceptable au plan de l'emploi", peut-on lire.
La Scop SeaFrance a en effet déposé elle aussi un dossier pour pouvoir reprendre l'exploitation des navires, dossier jugé peu convaincant par Eurotunnel en dépit du soutien financier de la région Nord-Pas-de-Calais.
(Edité par Grégory Blachier)