Portés par l'espoir que les tractations en cours entre Paris et Berlin aboutiront à des solutions efficaces, les marchés se sont envolés lundi, faisant fi des sombres perspectives de l'OCDE qui a mis en garde contre une aggravation de la crise aux conséquences "dévastatrices".
Soudain euphoriques après de longues journées de dégringolade, les principales places de la zone euro ont bondi de plus de 4,5%, la Bourse de Paris gagnant même 5,46% à la clôture. A Londres, l'indice Footsie-100 a progressé de 2,87% et la tendance était similaire à Wall Street.
L'euro s'appréciait aussi face au dollar.
Les investisseurs ne se sont pas laissés décourager par les mauvaises nouvelles et les avertissements.
Pourtant, l'agence de notation Moody's a prévenu qu'une aggravation rapide de la crise menacerait les notes de tous les pays européens, même les plus solides.
Et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié des prévisions drastiquement révisées à la baisse. La zone euro est, selon elle, déjà entrée dans une "légère récession", qui concerne particulièrement ses trois premières économies (Allemagne, France et Italie), et sa croissance devrait quasiment stagner l'an prochain.
Surtout, a-t-elle ajouté, une dégradation, probable, de la situation aurait des résultats "très dévastateurs", plongeant aussi dans la récession Etats-Unis et Japon.
Pas de quoi rassurer le président américain Barack Obama, qui recevait les dirigeants de l'Union européenne Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso pour un sommet largement consacré à la crise.
L'OCDE s'est aussi invitée aussi dans le débat européen en appelant la Banque centrale européenne (BCE) à "agir maintenant" pour endiguer la propagation de la crise -- alors que Berlin refuse une telle solution, au grand dam de Paris.
Les investisseurs ont plutôt voulu croire que, face à la gravité de la situation, les gouvernements seront bien obligés d'apporter des réponses qui tardent pourtant à se concrétiser.
Ils tablaient ainsi, malgré les démentis officiels, sur un assouplissement de la position allemande sur le rôle de la BCE, sur la création d'euro-obligations "d'élite" émises par les pays notés "AAA" pour financer l'aide aux Etats en difficulté, mais aussi sur une aide internationale imminente à l'Italie.
Rome a encore vu s'envoler lundi à des niveaux difficilement soutenables les taux d'intérêt qu'elle doit verser pour emprunter. Or, "s'il y a un problème italien, c'est le coeur de la zone euro qui est atteint", prévient la présidence française.
Selon la presse italienne, le nouveau gouvernement de Mario Monti négocierait une aide de 400 à 600 milliards d'euros avec le Fonds monétaire international (FMI), avec une participation éventuelle de la BCE. Cela devrait lui laisser douze à dix-huit mois pour mettre en oeuvre sa cure d'austérité sans subir la pression des marchés.
"Il n'y a pas de discussions avec les autorités italiennes sur un programme de financement du FMI", a démenti l'institution de Washington, relayée par Bruxelles.
En Italie comme en Belgique, des appels aux citoyens pour qu'ils achètent de la dette locale ont rencontré un franc succès.
Alors que la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy doivent présenter avant le sommet européen des 8 et 9 décembre des propositions pour réformer les traités de l'Union européenne, les médias bruissent aussi de rumeurs sur leurs projets.
Le journal allemand Welt am Sonntag évoquait dimanche un nouveau pacte de stabilité réservé à quelques pays de la zone euro.
Paris et Berlin n'ont pas clairement précisé leurs intentions. L'Allemagne parle de sa volonté de "transformer la zone euro en une union de la stabilité", selon l'expression de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble.
Côté français, le gouvernement a confirmé qu'un "pacte" était à l'étude, mais avec les dix-sept Etats de la zone euro, "pour une nouvelle gouvernance" avec de "vraies sanctions".
La clé serait un durcissement de la discipline budgétaire. La Commission européenne pourrait être dotée de "moyens plus intrusifs" pour "surveiller" les mauvais élèves", ajoute-t-on à Paris.
Officiellement, la révision "limitée" des traités proposée par le couple franco-allemand, éventuellement élargi à l'Italie, doit concerner l'ensemble de l'UE. "S'il y a des pays parmi les 27 qui font des difficultés", comme par exemple le Royaume-Uni souvent réticent à une intégration accrue, "on passe alors aux seuls 17 Etats de la zone euro", explique un diplomate européen.
Mais là aussi, "si un ou deux pays de l'Union monétaire ne veulent pas participer, on ne se laissera pas retenir par eux", prévient-il.
Selon une source européenne, "il faut savoir si c'est purement tactique afin de mettre la pression sur tous les pays de l'UE".
"Le but c'est de préserver l'unité de la zone euro", a toutefois mis en garde lundi la Commission européenne, rejetant toute option qui aboutirait à "fragmenter" l'Union monétaire.