Plus de six mois après son entrée en vigueur, la circulaire Guéant, qui restreint les possibilités de recrutement en France d'étudiants étrangers diplômés, préoccupe les entreprises françaises, soucieuses de recruter ces profils souvent atypiques.
"On suit de très près le dossier. Les entreprises sont préoccupées. Cela risque d'être un problème pour la compétitivité de la France et son rayonnement à l'étranger", souligne-t-on au Medef.
A la suite de cette circulaire du 31 mai appelant les préfectures à plus de rigueur, de nombreux diplômés étrangers, certains très qualifiés, n'ont pas pu obtenir un changement de visa (d'étudiant à salarié), bien que recrutés par des entreprises françaises.
Les employeurs ont dû renoncer à les embaucher et plusieurs étudiants se retrouvent sans papiers, souligne Meriem Kadari, du Collectif du 31 mai. Selon le Collectif, 940 étudiants se sont vu refuser un visa salarié, dont seulement 300 ont eu leur situation régularisée après réexamen de leur dossier.
Fin novembre, le ministre de l'Enseignement supérieur Laurent Wauquiez avait évoqué 500 étudiants étrangers auxquels les préfets avaient refusé le statut de salarié, dont plus de 250 qui avaient finalement obtenu une réponse positive après réexamen de leur dossier.
Des manifestations ont été organisées. Un nouveau rassemblement est prévu dimanche à Paris, pour la Journée internationale de solidarité avec les migrants. Les présidents et directeurs d'université, des grandes écoles et des écoles d'ingénieurs déplorent cette situation.
Au Medef, on explique que "ces jeunes sont très demandés. Ils sont sur des postes souvent à haute responsabilité à l'international, où on a besoin de ces talents particuliers, de ces nationalités. Ils ont une connaissance des langues, des marchés de leur pays. Ils ne prennent la place de personne."
"On va perdre un marché"
Plusieurs diplômés étrangers contactés par l'AFP ont indiqué avoir reçu, à l'issue de leur refus de visa, des offres dans d'autres pays, notamment au Canada, en Angleterre ou en Belgique. "La France est en train de former des élites qui partiront ensuite à l'étranger", résume Meriem Kadari.
"Quand on discute avec les DRH, ils sont atterrés. C'est l'attractivité des entreprises et leur compétitivité qui est menacée", ajoute-t-on au Medef.
Eric Decalf, Pdg de la SSII (société de services en ingéniérie informatique) Additeam, explique avoir essuyé en octobre un refus pour un "ingénieur en informatique de gestion tunisien" qu'il souhaitait recruter: "On va perdre un marché", s'est-il désolé.
"Le motif de refus (...) est qu'il y a des diplômés informatiques formés en France disponibles. C'est une réponse technocratique (...) Nous on sait très bien qu'il n'y en a pas pour ce marché précis, sinon on recruterait en France!", affirme-t-il.
"Des problèmes se sont posés à quelques reprises déjà chez nous, sur des postes où l'on attend des compétences particulières et où on a fait un effort de formation particulier", confirme anonymement un responsable d'un grand groupe industriel français. "Si on a pris ces étudiants en stage, c'était bien dans l'optique de les garder derrière."
Comme une trentaine d'autres contactées par l'AFP, son entreprise "ne souhaite surtout pas être citée car le sujet est sensible. Plus on parlera, plus ce sera difficile pour obtenir un visa", dit-il.
Fin novembre le Premier ministre François Fillon a tenté de rassurer. Il a défendu la circulaire mais assuré que l'accueil d'étudiants étrangers participait au "rayonnement de notre enseignement supérieur et de notre pays".