Fabriquer un téléphone adapté aux malentendants, proposer de la garde d'enfants à 10 centimes de l'heure ou faire travailler d'ex-taulards: l'économie sociale et solidaire s'est présentée comme "un autre regard sur la richesse", lors des premiers Etats généraux ce week-end à Paris.
"Ce sont des initiatives très nombreuses, très diverses qui ont en commun d'avoir un autre regard sur la richesse", car "elles ont une finalité sociale et sont gérées à l'abri du pouvoir de l'argent", a expliqué Claude Alphandéry, président du Labo de l'économie sociale et solidaire (ESS).
Le fondateur de France Active, association aidant à la création d'entreprises, est à l'origine de l'événement qui a eu lieu au palais Brongniart, l'ancienne bourse de Paris.
"C'est un fort symbole. C'est la bourse ou la vie. Nous, on choisit la vie", a lancé Edgar Morin, philosophe et ancien résistant, lors de l'ouverture aux côtés de deux autres résistants Stéphane Hessel et Claude Alphandéry.
Pendant trois jours, des rencontres et des débats ont abordé les multiples facettes d'un secteur de quelque 200.000 structures (associations, mutuelles, fondations) qui fait travailler plus de deux millions de salariés et représente 7 à 8% du PIB, selon le ministère des Solidarités.
"Websourd" est l'une d'entre elles. Cette société coopérative d'intérêt collectif créée en 2001 propose différents services aux malentendants comme la traduction en langue des sourds ou le téléphone.
Sophie Scheidt, malentendante et maman de deux enfants, explique comment le téléphone lui a changé la vie: "avant on passait par la famille" alors que maintenant "c'est moi qui suis responsable de mes enfants. C'est une grande satisfaction", confie-t-elle.
Autre initiative qui existe depuis 10 ans : l'association "Môm'artre" accueille les enfants de 6 à 11 ans après l'école. Au-delà de l'aide aux devoirs classique, les plus jeunes bénéficient d'ateliers artistiques. Selon leurs revenus, les familles déboursent entre 10 centimes et 8 euros de l'heure.
Un peu plus loin, Godefroy Maistre présente "Travailler et apprendre ensemble", une entreprise un peu particulière pour laquelle il travaille depuis six mois: "Les salariés viennent d'univers très différents. Il y en a qui viennent du milieu professionnel classique et d'autres qui ont souffert d'exclusion : d'anciens SDF, des gens qui sortent de prison, des chômeurs de longue durée..."
"L'originalité du projet c'est que nous travaillons sur le long terme à la réinsertion, toutes les personnes sont embauchées en CDI", précise-t'il. Ce projet pilote du mouvement ATD Quart Monde est composé de 23 personnes qui s'occupent aussi bien de rénovation de bâtiments que de reconditionnement de matériel informatique.
"Donner toute sa place à l'économie sociale et solidaire, c'est se donner collectivement les moyens de changer la vie de nos concitoyens", a estimé dans un communiqué Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, en saluant les Etats généraux.
Les organisateurs de cet événement espèrent, eux, "rentrer dans le débat public parce que nous n'oublions pas que la France est à la veille d'un grand débat politique", a souligné Claude Alphandéry en allusion à la présidentielle de 2012.
D'ores et déjà, le Conseil supérieur de l'économie sociale souhaite une loi cadre pour le secteur, à l'instar de ce qui a été fait en Espagne. Le député Nouveau centre Francis Vercamer a remis en avril une cinquantaine de propositions au gouvernement et un texte pourrait voir le jour en 2012.