La France a adoubé mardi l'Italien Mario Draghi pour présider à partir de novembre la Banque centrale européenne (BCE), confortant la seule candidature jugée sérieuse.
"Nous soutenons la candidature de Mario Draghi" pour succéder au Français Jean-Claude Trichet, a affirmé le président français Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet italo-français à Rome.
Tout en soulignant les qualités de M. Draghi, 63 ans, M. Sarkozy a aussi estimé que l'accession du président de la Banque d'Italie à une telle responsabilité serait aussi "un très bon signal à tous les Italiens qui pourraient douter de leur place et de leur rôle dans l'Europe".
M. Sarkozy, qui "joue une carte politique" destinée à calmer le "ressentiment en Italie à l'égard de sa gestion de la crise libyenne" et "calmer les tensions autour du dossier Parmalat", ouvre ainsi la voie à M. Draghi, note l'économiste de UniCredit Marco Valli.
Cet adoubement intervient une semaine à peine après que l'Allemagne ait laissé entendre qu'elle se résignerait à voir M. Draghi prendre la présidence de la BCE, un poste qu'elle se serait bien vu attribuer mais auquel elle doit renoncer faute de candidat.
Son poulain, le président de la Bundesbank Axel Weber, qui faisait figure de favori, a jeté l'éponge en février face au feu des critiques venus de pays comme la France, rebutés par son orthodoxie monétaire au moment où certains Etats de la zone euro affrontent une grave crise de la dette, et au peu de soutien reçu de la part de la chancelière Angela Merkel.
Cette dernière ne s'est d'ailleurs toujours pas exprimé sur la question. Mais son influent ministre des Finances Wolfgang Schäuble "pense que M. Draghi est quelqu'un de très compétent", a-t-on glissé la semaine dernière dans son entourage.
Et pour Marco Valli, "il est évident que Sarkozy n'a pas pris position publiquement sans savoir ce que pensait Berlin".
Il n'y a pas encore eu "de soutien formel" de la part du gouvernement allemand mais il s'agira désormais pour Berlin "de seulement mettre son cachet sur la nomination de Draghi", poursuit-il, jugeant que ce serait "une grosse surprise" si Berlin soutenait désormais un autre candidat.
Berlin devrait donc taire ses objections surtout liées à la nationalité de M. Draghi, dont le pays se débat dans de gros problèmes budgétaires.
L'Allemagne, et d'autres pays du Nord, sont aussi réticents à l'idée de porter un autre représentant du Sud à la direction de la BCE, le poste de vice-président étant actuellement occupé par le Portugais Vitor Constancio.
Conscient de ces réticences, M. Draghi, qui a gagné une stature internationale pendant la crise comme président du Conseil de stabilité financière (CSF), s'est lancé depuis plusieurs mois dans une opération séduction, soulignant notamment que l'Allemagne était un "modèle" et insistant sur l'importance de la stabilité des prix en zone euro, une question chère aux Allemands.
Quant à son passé dans la banque d'affaires Goldman Sachs, mise en cause dans la crise financière de 2008 et dont il a été vice-président pour l'international et membre du comité exécutif, il ne constituerait apparemment plus un obstacle aux yeux de Paris.
"La position de M. Sarkozy ne signifie pas que le dernier mot est dit sur la question", estime Thorsten Polleit, de Barclays Capital. "Mais au regard de la liste des candidats potentiels restant les chances de M. Draghi semblent avoir considérablement augmenté".
Parmi les autres noms évoqués figurent le gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas Nout Wellink, le président de la Banque centrale du Luxembourg Yves Mersch ou celui de la Banque de Finlande Erkki Liikanen. L'élu devrait être désigné lors du sommet européen du 24 juin.