Plus féminisé, plus qualifié, plus stressant, mais aussi moins jeune et moins durable, le visage de l'emploi a connu d'importantes mutations en France depuis 50 ans, d'après l'Insee dans une étude publiée mercredi.
"Au début des années 1960, la main-d’oeuvre est très majoritairement masculine, plutôt ouvrière et peu qualifiée" et "c’est le règne de la grande entreprise industrielle" avec "essentiellement des contrats de travail à durée indéterminée et à temps plein", décrit l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Depuis, "l’emploi s’est féminisé, tertiarisé et urbanisé, il est devenu plus qualifié mais aussi moins jeune". De plus, "l’emploi apparaît plus +éclaté+, qu’il s’agisse des statuts et des situations d’activité entre l’emploi et le chômage, des durées et rythmes de travail" notamment, souligne l'étude sur "50 ans de mutations de l'emploi".
En 1962, 19 millions de personnes occupaient un emploi, dont les deux tiers étaient des hommes, en 2007 près de 26 millions, dont 53% d'hommes, la forte montée de l'emploi féminin s'étant engagée au milieu des années 1960.
Si "les inégalités entre sexes régressent très progressivement", observe l'auteur Olivier Marchand, "se sont ajoutées de nouvelles formes d’inégalités entre les femmes elles-mêmes", avec d’un côté celles "bénéficiant d'une carrière intéressante et bien rémunérée", de l’autre "celles qui connaissent la précarité de l’emploi, le temps partiel contraint, les bas salaires".
Plus de quatre ouvriers sur cinq restent des hommes, tandis que près de quatre employés sur cinq sont des femmes.
En 1962, les ouvriers étaient 7,4 millions (39% de la population en emploi), aujourd'hui ils sont 6 millions (moins de 25%). Les autres catégories de salariés ont progressé de façon continue, employés (18% en 1962, 28% en 2007), professions intermédiaires (11% à 25%) et cadres (5% à 16%).
Les contraintes associées au travail ont aussi changé de nature: la fatigue physique a reculé, surtout entre 1980 et 2000, mais "la charge mentale est devenue beaucoup plus lourde", estime l'auteur.
Autre évolution parallèle, le niveau de formation s'est élevé considérablement: 51% des personnes en emploi avaient le bac ou un diplôme supérieur en 2007, contre 8,5% en 1962.
Conséquence de la prolongation de la scolarité: les moins de 30 ans représentaient plus du quart de l’emploi en 1962, aujourd’hui moins d’un cinquième.
"A l'autre extrémité de la vie active, les salariés âgés ont été de plus en plus souvent incités à quitter le marché du travail", si bien qu'en France, "de façon beaucoup plus marquée que dans les autres pays développés, la vie active s’est concentrée sur les âges intermédiaires".
Parmi les actifs ayant un emploi, près de 90% sont des salariés mais "la salarisation complète de la force de travail, encore envisagée il y a une vingtaine d’années, n’aura vraisemblablement pas lieu", pronostique l'Insee. L’emploi indépendant résiste dans certains secteurs (services marchands, bâtiment).
L'institut relève que "la multiplication des statuts, le développement de la précarité et du chômage", passé de moins de 2% de la population active en 1962 à environ 10% aujourd’hui, "tendent à fragiliser une partie du monde salarial".
Entre 1990 et 2007, la part des emplois temporaires (CDD, missions d'intérim) dans l’emploi salarié est passée de 10 à 15%. La proportion des temps partiels, qui étaient quasiment inexistants dans les années 60, est passée depuis 1990 de 12 à 18%.