par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Le procès de Jérôme Cahuzac pour son compte caché à l'étranger a été suspendu mercredi jusqu'au 5 septembre prochain, le temps d'examiner une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la défense de l'ancien ministre du Budget.
Cette QPC porte sur le cumul de sanctions fiscales, déjà imposées à Jérôme Cahuzac et à son ex-épouse, et d'une éventuelle condamnation au pénal.
Leurs avocats respectifs avaient formulé cette objection lors de l'audience d'ouverture de lundi, qui s'était transformée en une explication de texte juridique entre les différentes parties, un débat "ardu" selon le président lui-même.
Celle de mercredi s'est résumée à un long exposé du président, devant un Jérôme Cahuzac quasi immobile sur l'une des chaises réservées aux prévenus, au premier rang.
Après l'examen des arguments des uns et des autres, les juges ont décidé de transmettre l'une des questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation, qui pourra à son tour la soumettre ou non au Conseil constitutionnel.
Cette QPC ne concerne toutefois que la fraude à l'impôt de solidarité sur la fortune, une partie seulement des faits reprochés à celui qui s'était fait le héraut de la lutte contre l'évasion fiscale avant de tomber en disgrâce en 2013.
Le procès de Jérôme Cahuzac pour fraude fiscale, blanchiment et pour avoir omis de déclarer ses avoirs à l'étranger dans sa déclaration de patrimoine, aura donc lieu, quelle que soit l'issue de la procédure devant la Cour de Cassation.
Compte tenu des délais maximums laissés à la plus haute juridiction judiciaire et au Conseil constitutionnel, il pourra reprendre le 5 septembre.
Le principe de cette QPC, selon lequel on ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, fonde une question similaire transmise le 6 janvier à la Cour de cassation au procès pour fraude fiscale du marchand d'art Guy Wildenstein et qui a entraîné la suspension des débats.
Lundi, le procureur avait estimé qu'il n'y avait pas lieu de reporter les débats, en particulier parce que les peines pénales encourues par Jérôme Cahuzac sont à ses yeux nettement plus sévères que celles infligées par l'administration fiscale.
PEU INDULGENT
Jean-Marc Toublanc avait souligné que l'ex-ministre avait eu lui-même, lorsqu'il était à Bercy, la responsabilité de la lutte contre la fraude et que, à l'époque, il s'était montré peu indulgent à l'endroit des contrevenants.
"A aucun moment il ne s'est ému que le fait de poursuivre au pénal des gens pour fraude fiscale poserait quelque difficulté, au contraire", avait-il déclaré.
Ce procès sera celui d'un homme dont l'ascension vers le pouvoir s'est arrêtée net le 4 décembre 2012, jour des premières révélations de Mediapart, un peu plus de six mois après sa nomination au gouvernement.
Le site d'investigation affirmait alors que le ministre socialiste avait longtemps détenu un compte dissimulé en Suisse, qu'il avait par la suite transféré à Singapour par souci de discrétion. Pendant plusieurs mois, Jérôme Cahuzac a nié en bloc devant les journalistes comme devant les députés à l'Assemblée nationale et les responsables politiques les plus haut placés, jusqu'à François Hollande.
"Je n'ai pas (...), je n'ai jamais eu de compte à l'étranger, ni maintenant, ni avant. Je démens donc ces accusations", répondait-il le 5 septembre dans l'hémicycle.
Mais les juges se sont saisis du dossier, les doutes sont devenus des soupçons, les soupçons des accusations et Jérôme Cahuzac est passé publiquement aux aveux le 2 avril 2013 via un message publié sur son blog personnel.
"Je suis dévasté par le remords", a-t-il alors écrit.
(Edité par Sophie Louet)