Un nouveau cas de suicide chez France Télécom rouvre le dossier délicat du malaise au travail dans une entreprise soumise à de fortes restructurations depuis 2006, même si la direction assure faire tout son possible pour accompagner ses salariés.
Nicolas G., un célibataire sans enfant de 28 ans, qui exerçait comme technicien télécoms à Besançon a mis fin à ses jours mardi matin à son domicile.
"Depuis février 2008, c'est le 20e suicide enregistré à France Télécom par l'Observatoire du stress et de la mobilité forcée" créé par les syndicats Sud-PTT et CFE-CGC, a indiqué à l'AFP Patrick Ackermann (Sud-PTT). Il a précisé qu'il y avait eu en outre 12 tentatives sur la même période.
La direction de France Télécom a confirmé ce suicide, faisant part "de l'émotion du groupe et de ses salariés par rapport à une situation individuelle dramatique".
Les syndicats dénoncent depuis plusieurs années le stress à France Télécom et des "pressions" sur le personnel, depuis la privatisation du groupe en 2004, mais surtout depuis un plan de restructuration, aujourd'hui terminé, qui s'est traduit par plus de 22.000 "départs volontaires" entre 2006 et 2008.
"Aujourd'hui, il n'y a plus d'objectifs chiffrés, mais la direction n'a pas changé de stratégie", affirme la CGT.
Le parquet de Besançon a estimé mercredi qu'à la lecture d'une lettre laissée par le salarié, il était "impossible d'établir un lien formel de causalité entre ses problèmes professionnels et son geste fatal", sans exclure la possibilité d'une enquête sur ses conditions de travail.
Pour les syndicats, même s'il avait "des problèmes personnels qui ont pu peser", son geste est "en lien avec le travail".
Il "était confronté à une mobilité forcée depuis plusieurs mois", souligne Christian Mathorel (CGT). Jacques Trimaille (Sud-PTT) précise qu'il "avait récemment été nommé sur un poste qu'il a ressenti comme très disqualifiant".
Ce technicien du secteur de l'énergie avait vu son poste supprimé l'année dernière, et était devenu technicien d'intervention chez les clients (TIC), un métier confronté à "des charges de travail en augmentation", souligne Sud.
Selon la direction, "le groupe et d'abord les managers les plus proches de ce salarié avaient décelé son mal-être puisqu'ils avaient directement alerté le médecin du travail et l'assistante sociale. Il avait été reçu par les deux et des actions avaient été engagées", a-t-elle ajouté.
Une cellule d'écoute a par ailleurs été mise en place à Besançon pour ses collègues et le directeur territorial Est s'est rendu mercredi sur le site, devant lequel entre 120 et 150 salariés se sont rassemblés à l'appel de la CGT et Sud-PTT.
Un salarié du groupe s'est déjà suicidé à Quimper le 31 juillet et un autre à Marseille le 14 juillet. Dans ce dernier cas, la victime avait dénoncé dans une lettre sa "surcharge de travail" et un "management par la terreur".
Début août, six syndicats ont demandé dans un courrier au Pdg Didier Lombard de "prendre en considération" le problème de la souffrance au travail, et d'entamer dès la rentrée des négociations sur le stress.
Pour M. Mathorel, "on est dans une spirale. France Télécom doit apporter des réponses". Comme à Morlaix où, selon les syndicats, la direction a renoncé à fermer une unité de 28 personnes après plusieurs interventions du CHSCT soulignant des risques psycho-sociaux (souffrance au travail, dépression).
Une version démentie par la direction, qui parle de "deux situations différentes".