L'Espagne veut profiter de sa présidence de l'UE pour promouvoir la création d'une forme de "gouvernement" européen sur les dossiers économiques afin d'accroître la coordination des politiques nationales, avec menace de sanctions financières pour les pays récalcitrants.
En lançant cette initiative potentiellement controversée, Madrid affiche sa volonté de jouer pleinement son rôle dans les affaires européennes malgré la nouvelle donne créée par le traité de Lisbonne qui laisse en principe au président permanent de l'UE, Herman Van Rompuy, le soin de donner le ton.
D'autant que l'ancien Premier ministre belge a lui aussi fait des dossiers économiques européens sa grande priorité.
Le gouvernement espagnol entend lancer le débat dès le prochain sommet des dirigeants européens, prévu le 11 février à Bruxelles et consacré aux moyens de relancer la croissance atone en Europe, a indiqué jeudi soir son chef, José Luis Rodriguez Zapatero.
L'Union européenne doit à cette occasion engager le débat sur une nouvelle stratégie pour les dix ans à venir, destinée à remplacer celle dite "de Lisbonne" lancée en 2000 et qui ambitionnait de faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive dans le monde en 2010.
L'objectif n'a pas été atteint car il s'agissait pour l'essentiel d'un catalogue de bonnes intentions sans contraintes pour les gouvernements.
L'Espagne, qui assure pendant six mois jusqu'en juillet une présidence tournante de l'Union européenne maintenue dans certains domaines par le traité de Lisbonne, entend donc tirer les leçons de cet échec.
"Il est absolument nécessaire d'avoir une stratégie pour 2020 d'une nouvelle nature, d'une nature contraignante" pour la rendre "efficace", a déclaré M. Zapatero.
Les objectifs que se fixeront les pays européens pour améliorer leur croissance "devront inclure des mesures incitatives et des mesures correctives" si les Etats ne jouent pas le jeu, a-t-il ajouté. Il a cité en particulier le domaine des nouvelles technologies, avec la libéralisation du marché numérique, ou de celui de l'énergie.
Son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Diego Lopez Garrido, a fourni de premières pistes. Une idée envisagée serait de faire bénéficier les pays vertueux de davantage de subventions européennes dans certains domaines, pour les "stimuler", et a contrario de pénaliser les autres.
Cela signifie-t-il que l'UE aurait un droit de regard qualitatif sur les choix budgétaires nationaux des Etats, en plus du Pacte de stabilité qui limite déjà la dérive des déficits publics? A tout le moins, il s'agirait "d'éviter des décisions budgétaires allant à l'encontre de la stratégie" commune, a dit M. Lopez Garrido.
Madrid risque de s'attirer les foudres de la Grande-Bretagne et des Etats les plus libéraux, rétifs à toute interventionnisme de l'UE dans les choix budgétaires nationaux.
"Mais je sais qu'un certain nombre de pays sont en faveur d'une plus grande unité économique, par exemple la France", a dit M. Zapatero.
Paris milite depuis des années en faveur d'un "gouvernement économique" au moins au niveau de la zone euro, malgré les fortes réserves de l'Allemagne qui y voit un danger pour l'indépendance de la Banque centrale européenne sur la fixation des taux d'intérêts.
La France avait innové en la matière fin 2008, au pic de la crise financière, en convoquant pour la première fois un sommet des dirigeants des pays de la zone euro. M. Zapatero a indiqué vouloir reprendre le flambeau. "L'idée est toujours sur la table" et l'expérience "devrait" être renouvelée, a-t-il dit.