par Robert-Jan Bartunek et Philip Blenkinsop
BRUXELLES/DUBLIN (Reuters) - La Commission européenne (CE) a sévi une nouvelle fois mercredi contre les montages fiscaux d'Apple (NASDAQ:AAPL) en Irlande et d'Amazon (NASDAQ:AMZN).com au Luxembourg, une décision que Dublin a jugée "regrettable" et que le Grand-Duché a contestée.
La CE a annoncé qu'elle assignait l'Irlande devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour ne pas avoir récupéré 13 milliards d'euros d'arriérés d'impôts d'Apple et a par ailleurs ordonné à Amazon de rembourser au Luxembourg environ 250 millions d'avantages fiscaux perçus de façon indue depuis 2003.
L'exécutif européen avait ordonné le 30 août 2016 à Apple de verser 13 milliards d'euros à l'Irlande après avoir conclu que les arrangements fiscaux entre Dublin et le groupe américain s'apparentaient à une aide publique illégale.
"Plus d'un an après l'adoption de cette décision par la Commission, l'Irlande n'a toujours pas récupéré la somme, ne fût-ce qu'en partie", déclare dans un communiqué Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de la concurrence.
"Bien entendu, nous comprenons que, dans certains cas, la récupération peut être plus complexe que dans d'autres et nous sommes toujours prêts à apporter notre aide. Mais les États membres doivent faire des progrès suffisants pour rétablir la concurrence", ajoute-t-elle.
La CE précise que l'Irlande disposait de quatre mois à compter de la notification officielle, soit jusqu'au 3 janvier
2017, pour appliquer cette décision et qu'elle considère que tant que l'aide illégale n'est pas récupérée, Apple continue de bénéficier d'un avantage indu. Le fabricant de l'iPhone a fait appel de la décision.
Le ministère des Finances irlandais a dit qu'il n'avait jamais accepté l'analyse de la CE qui l'a conduite à requalifier les avantages fiscaux consentis à Apple en aide publique illégale. Il a ajouté que Dublin restait déterminé à récupérer les sommes dues dans l'attente d'une décision sur le recours que le pays a lui aussi formulé.
L'Irlande a été en contact permanent avec la Commission et Apple pendant plus d'un an et s'apprêtait à créer un compte séquestre pour y loger les sommes récupérées.
"Il est extrêmement regrettable que la Commission ait pris cette décision en relation avec une affaire qui implique un montant important de fonds à recouvrer", écrit le ministère dans un communiqué.
JUNCKER SUR LA SELLETTE
Margrethe Vestager a déclaré que dans d'autres affaires d'avantages fiscaux indus, comme celle de Fiat au Luxembourg, de Starbucks (NASDAQ:SBUX) aux Pays-Bas et d'un montage en Belgique dont ont bénéficié 35 entreprises, les sommes à récupérer l'avaient été avant l'épuisement des procédures d'appel. Mais les sommes en jeu étaient bien moindres.
La CE a dit que l'Irlande avait fait des progrès dans le calcul de la somme exacte due mais que le pays envisageait d'achever ce travail en mars 2018 au plus tôt.
L'exécutif européen a par ailleurs ordonné à Amazon de rembourser au Luxembourg environ 250 millions d'avantages fiscaux perçus de façon indue depuis 2003.
"Grâce aux avantages fiscaux illégaux accordés par le Luxembourg à Amazon, près des trois quarts des bénéfices d'Amazon n'étaient pas imposés. En d'autres termes, Amazon a pu payer quatre fois moins d'impôts que d'autres sociétés locales soumises aux mêmes règles fiscales nationales", a déclaré Margrethe Vestager.
"Il s'agit d'une pratique illégale au regard des règles de l'UE en matière d'aides d'État. Les États membres ne peuvent accorder à des groupes multinationaux des avantages fiscaux sélectifs auxquels les autres sociétés n'ont pas accès".
Bien que la somme annoncée par l'exécutif européen soit sensiblement inférieure à certaines estimations qui avaient circulé et sans commune mesure avec le cas Apple, Amazon a dit qu'il envisageait de faire appel.
"Nous considérons qu'Amazon n'a pas bénéficié de quelque traitement spécial de la part du Luxembourg et que nous avons payé nos impôts dans le plein respect des règles fiscales luxembourgeoises et internationales", a dit le géant du commerce en ligne dans communiqué publié après l'annonce de la décision de la CE.
Vestager a précisé qu'il revenait aux autorités fiscales luxembourgeoises de déterminer le montant exact des impôts non payés au Grand-Duché.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a été Premier ministre du Luxembourg pendant près de vingt ans et jusqu'en 2013, a été mis en cause pour avoir permis la réalisation de nombreux avantages fiscaux destiné à rendre le Grand-Duché plus attractif comme siège social européen de grands groupes multinationaux.
Avec 1.500 salariés au Luxembourg sur les quelques 50.000 qu'il emploie en Europe, Amazon est l'un des premiers employeurs du pays.
(avec Conor Humphries à Dublin, Catherine Mallebay-Vacqueur et Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison)