L'impôt sur la fortune (ISF) devrait rapporter 360 millions d'euros de plus que prévu en 2010, mais cette bonne nouvelle pour les finances publiques pourrait être une nouvelle épine dans le pied du gouvernement engagé dans une délicate réforme de la fiscalité du patrimoine.
Selon des estimations de Bercy, les recettes de l'ISF atteindraient 4,46 milliards d'euros en 2010 contre 4,1 milliards initialement prévus. Les chiffres définitifs devraient être connus fin février. L'ISF avait rapporté 3,6 milliards d'euros en 2009 et 4,2 milliards en 2008.
Cette manne supplémentaire proviendrait pour l'essentiel (300 millions d'euros environ) de recettes exceptionnelles issues de contrôle fiscaux et de déclarations tardives mais aussi d'une cellule de régularisation mise en place en 2009 par l'ex-ministre du Budget Eric Woerth. Cette cellule a permis à des évadés fiscaux de se mettre en règle avec le fisc.
La question désormais est celle de l'aménagement de cet impôt, promis pour le printemps, parallèlement à la suppression du bouclier fiscal. Tous deux doivent être remplacés par un "nouvel impôt" sur les revenus et les plus-values du patrimoine.
Le gouvernement s'est engagé à plusieurs reprises à réaliser cette réforme à "produit constant". Mais faudra-t-il prendre en compte les recettes exceptionnelles dégagées par l'ISF en 2010 ? La question agite déjà les spécialistes et complique l'équation.
Bercy juge "prématuré" d'y répondre, rappelant que le gouvernement ne doit dévoiler les grandes lignes de sa réforme que d'ici à la fin mars.
La double suppression totale du bouclier fiscal et de l'ISF, si telle devait être la voie choisie, coûterait, sur la base de 2010 et des nouveaux chiffres, 3,8 milliards d'euros à l'Etat, soit les quelque 4,5 milliards engrangés au titre de l'ISF moins les 700 millions distribués au titre du bouclier.
Mais, pour le président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale Jérôme Cahuzac, interrogé par l'AFP, la question est ailleurs.
"Si l'on estime que le bouclier fiscal doit être supprimé parce qu'il s'agit d'une mauvaise mesure, au nom de quoi devrait-on considérer sa dépense comme inéluctable?", s'interroge-t-il, estimant que la nouvelle fiscalité du patrimoine devrait compenser la totalité des 4,5 milliards d'euros de l'ISF.
"On ne supprime pas qu'un symbole, on supprime aussi une dépense", fait-il valoir.
Quant au rapporteur du Budget à l'Assemblée, l'UMP Gilles Carrez, il se "réjouit" de la "relativement bonne nouvelle" sur l'ISF quand "l'impôt sur les sociétés enregistre 2 milliards de moins-values en 2010, le déficit budgétaire est abyssal et la notation (de la dette souveraine française) sur le fil du rasoir".
Chantre de l'orthodoxie budgétaire, il insiste pour "compenser à l'euro près" l'ISF et "demande à voir" quand on parle de recettes exceptionnelles.