Le groupe d'énergie français EDF a remporté mardi une victoire face à Bruxelles devant la justice européenne, qui devrait lui permettre de récupérer 1,2 milliard d'euros correspondant à des remboursements d'aides publiques jugées illégales il y a six ans.
La Commission européenne, gardienne de la concurrence dans l'UE, avait estimé à l'époque qu'EDF avait bénéficié d'avantages fiscaux illégaux lui permettant de renforcer sa position vis-à-vis de ses concurrents.
Elle avait condamné le groupe à rembourser à l'Etat français les montants incriminés, soit 888,89 millions d'euros, ainsi que des intérêts portant le total à la somme record de 1,217 milliard d'euros.
EDF avait payé mais également déposé, avec le soutien de l'Etat, un recours devant la Cour européenne de justice.
Sans prendre position sur le fond de l'affaire, la légalité de l'avantage fiscal, les juges de Luxembourg ont estimé mardi que la Commission avait commis une erreur sur la forme en ne poussant pas suffisamment son analyse.
EDF faisait valoir que l'exonération fiscale s'assimilait à une dotation en capital octroyée par l'Etat français, alors son unique actionnaire, et que la Commission devait vérifier qu'un investisseur privé aurait pu accepter un tel investissement, en participant à une augmentation de capital par exemple.
Or elle ne l'a pas fait et "en refusant d'examiner les mesures litigieuses dans leur contexte et d'appliquer le critère de l'investisseur privé, la Commission a commis une erreur de droit", a tranché la Cour.
Pour l'Etat français, il s'agissait de "recapitaliser EDF au moyen d'un mécanisme fiscal un peu inhabituel", explique un avocat du groupe français, Michel Debroux du cabinet Hogan and Hartson.
"La Commission n'a regardé que la mesure fiscale, vue comme dérogatoire du droit commun. Mais elle a refusé de s'interroger sur la finalité de l'opération et d'examiner si l'Etat s'était conduit comme l'aurait fait un investisseur privé. C'est ce que lui reproche le tribunal", précise-t-il.
Pour l'avocat, la décision est significative à plus d'un titre.
"Des montants qui dépassent le milliard d'euros sont excessivement rares en matière d'aides d'Etat. Je crois qu'il n'y a jamais eu d'arrêt annulant une décision présentant un tel enjeu financier", commente-t-il.
"Mais au-delà du seul montant, c'est un arrêt qui tranche une question de principe importante", ajoute-t-il. La Commission "devrait encore plus être conduite à appliquer le principe de l'investisseur privé avec cet arrêt EDF".
D'autant qu'elle a déjà été condamnée il y a un an à Luxembourg pour l'avoir ignoré dans une décision prise en 2004 et concernant des aides obtenues par la compagnie irlandaise Ryanair pour l'usage de l'aéroport régional belge de Charleroi.
Chez EDF, désormais en droit de réclamer un remboursement, la prudence reste pour l'instant de mise. "On prend acte de la décision et on l'analyse en détail", a indiqué une porte-parole.
La Commission se contente également de dire qu'elle va "étudier soigneusement l'arrêt".
Trois options s'offrent à elle: classer le dossier; déposer un recours, qui serait toutefois limité à des questions de droit et non suspensif; ou revoir sa copie et réexaminer le dossier en vérifiant impérativement cette fois si l'Etat français a agi comme un investisseur privé.
"La Commission peut aboutir au même résultat, mais elle ne peut le faire qu'à l'issue d'une analyse économique beaucoup plus sophistiquée que ce qu'elle a fait jusqu'à présent, de l'investissement réalisé au sein d'EDF, des perspectives de retour sur investissement, etc.", prévient Michel Debroux.