Reprise de l'activité, carnets de commande regarnis, retour des bénéfices: la sombre page de la crise semble tournée pour la plupart des grands groupes français, dont les résultats financiers se redressent, mais la prudence reste de mise face aux incertitudes économiques.
"Nous sommes tous surpris par la vitesse de la reprise", a déclaré vendredi le directeur financier d'EADS, Hans-Peter Ring.
Un sentiment partagé par beaucoup de groupes du CAC 40, qui ont dévoilé leurs résultats cette semaine. Les pertes et les carnets de commande vides de début 2009 ont laissé place à un vent d'euphorie, nourri par des chiffres d'affaires solides.
Exception faite d'Alcatel-Lucent, les bénéfices sont au menu pour la plupart d'entre eux et souvent avec de fortes progressions: PPR (+113%), Total (+72%), Schneider Electric (+112%), Sanofi-Aventis (+61%), etc. Dans l'automobile, Renault, PSA et Michelin sont chacun revenus dans le vert, tout comme Air France-KLM.
"Nous sommes dans une économie qui se stabilise et commence à sortir la tête de l'eau", souligne Christian Parisot, économiste chez le courtier Aurel.
"Les entreprises nous montrent que l'économie ne va plus subir les à-coups de la crise", ajoute-t-il.
Autre signal positif, les grands projets de rachat remisés dans les cartons pendant la crise ressurgissent à la faveur de trésorerie assainie et d'endettements réduits.
Sanofi-Aventis s'est dit prêt à mettre quelque 15 milliards d'euros pour une acquisition stratégique et EADS 1 milliard.
Toutefois, pour les mois à venir, le qualificatif d'"incertains" revient dans la bouche de nombreux grands patrons.
"Les perspectives pour le marché de l'acier restent incertaines", a ainsi prévenu le magnat de la sidérurgie Lakshmi Mittal.
"Il faut encore rester prudent", renchérit un analyste parisien ayant requis l'anonymat, car la consommation ne montre toujours pas de signe ferme de redressement.
En effet, l'embellie actuelle est principalement portée par la demande extérieure, surtout des pays d'Asie et d'Amérique latine, plutôt que par une demande intérieure encore "molle", explique-t-il.
"En 2009, on avait atteint le fond", explique cet analyste, ce qui rend la base de comparaison trop basse. Il faut donc "relativiser car beaucoup de secteurs ne sont pas encore revenus aux niveaux (d'activité) d'avant la crise" et sont aussi confrontés à une envolée des coûts des matières premières.
Les constructeurs automobiles craignent, eux, un retour de bâton avec la fin de la prime à la casse, qui leur a permis de renouer avec les bénéfices.
"Les résultats du 2e trimestre ne sont pas un beau feu d'artifice qui va s'évanouir avec la fin de l'été", assure pourtant Jean-Pierre Clamadieu, le PDG du chimiste Rhodia (hors CAC 40). Le secteur de la chimie, comme d'autres en amont de la chaîne industrielle, a tiré son épingle du jeu plus vite que ceux dépendant directement de la consommation.
"Il faut attendre octobre quand on connaîtra le bilan des achats des Français durant l'été et à la rentrée pour vraiment parler de fin de la crise", ajoute l'analyste parisien.
D'autant que si depuis le début de l'année, le marché du travail donne des signes de stabilisation, le chômage, remonté brutalement avec la crise au niveau d'il y a dix ans (9,9% avec les DOM), est loin d'être résorbé. La décrue n'interviendrait qu'en 2011, selon plusieurs prévisions.
La plupart des grandes banques et les groupes de services comme Suez et Veolia Environnement dévoileront à leur tour leurs performances semestrielles la semaine prochaine, avant une dernière vague de publications fin août.