Les éleveurs britanniques de porcs ont sonné le tocsin en annonçant la disparition prochaine du bacon des petits-déjeuners, mais plus que la pénurie, c'est plutôt la hausse des prix qui menace, estiment des experts du secteur interrogés par l'AFP.
La National Pig Association a assuré cette semaine qu'une "pénurie de bacon est désormais inévitable", lançant dans la foulée une campagne aux couleurs de l'Union Jack, "Save Our Bacon" ("Sauvez notre bacon").
Hors des frontières d'Albion, l'inquiétude est partagée mais porte davantage sur le renchérissement des coûts liés à la hausse continue des prix de l'alimentation des cochons depuis 2007, dont celui des céréales. Ils représentent à eux seuls 60 à 70% du coût de production, explique Caroline Tailleur, chargée de mission à la Fédération nationale porcine (FNP) qui regroupe les éleveurs français.
"Les éleveurs qui ont tenu depuis cinq ans grâce à un peu de trésorerie tirent aujourd'hui la langue et ne tiendront pas avec une nouvelle hausse", assure-t-elle en évoquant pour 2011 "un déficit moyen de 6 centimes par kilo produit" en France.
D'autant qu'en Europe, premier exportateur mondial de viande de porc, cette flambée des prix se conjugue à la mise aux normes des installations exigée par Bruxelles avant le 1er janvier 2013 pour garantir un minimum d'espace vital aux truies gestantes, explique-t-elle.
Selon la FNP, environ 10% des élevages de l'Union européenne ne pourront pas s'y conformer et certains ont déjà mis la clé sous la porte, provoquant une baisse générale de la production.
Sur le premier semestre 2012, elle a diminué de 0,6% dans les 27 pays de l'UE (après -1,1% en 2011) soit 400.000 têtes en moins, poursuit Caroline Tailleur: la réduction du cheptel a atteint 3% en Allemagne, le premier producteur européen, 4,8% aux Pays-Bas ou 2,2% en France. Elle atteint même 7% au Danemark, un pays qui produit essentiellement pour l'export en particulier vers le Royaume-Uni.
Abattages massifs
"La Pologne a dû réduire de 15% son cheptel de truies reproductrices en 2011 et encore de 5% au premier semestre 2012: c'est énorme", renchérit Estelle Antoine, ingénieure à l'Institut de recherche et d'expertise du porc (Ifip).
A ces données purement arithmétiques, s'ajoutent les habitudes britanniques poursuit la jeune femme: "Les Britanniques importent essentiellement de la longe (pour le bacon) et imposent des contraintes très spécifiques aux élevages liées au bien-être animal".
"Pénurie, ils y vont fort, mais les prix monteront forcément", juge un expert de la filière pour qui l'inquiétude des Britanniques s'explique d'autant plus qu'ils sont très dépendants des exportations (41% de leurs approvisionnements) dans un contexte global difficile pour le cochon.
Le Canada, leur autre gros fournisseur, anticipe lui aussi 10% de baisse de la production dans l'année qui vient.
Aux Etats-Unis, "toujours plus réactifs que nous en Europe, on a commencé cet été des abattages massifs du cheptel reproductif: les abattoirs sont engorgés", affirme le président de la FNP Jean-Michel Serres.
Selon le département américain de l'Agriculture (USDA), plus de 73 millions de bêtes ont été abattues en huit mois alors que le prix du porc s'est effondré. Et la sécheresse sévère de l'été qui a affecté la production de maïs ne risque pas d'arranger la situation.
Reste cependant une bonne raison d'espérer, même en ces temps d'incertitude: la demande mondiale reste soutenue et, selon l'OCDE, elle devrait encore augmenter de 25% entre 2008 et 2020 (contre +13% pour le boeuf).