A l'ombre des géants chinois et indien, l'Indonésie s'affirme comme une puissance économique majeure mais les entreprises françaises tardent à en profiter, une tendance que tentera d'inverser la ministre de l'Economie Christine Lagarde cette semaine à Jakarta.
Cette visite, prévue jeudi et vendredi, est à marquer d'une pierre blanche car Mme Lagarde sera le premier ministre français à se rendre en Indonésie depuis 1997.
"Il est vraiment temps que la France s'intéresse à l'Indonésie, qui est depuis trop longtemps victime de la fixation de Paris sur la Chine", affirme Philippe Courrouyan, représentant des Conseillers du Commerce extérieur à Jakarta.
Mme Lagarde sera accompagnée d'une quarantaine de chefs d'entreprise comme Arianespace, Total ou GDF Suez. "Son objectif est de mettre en lumière ce marché émergent qui se développe rapidement dans un contexte démocratique", annonce Philippe Zeller, l'ambassadeur de France.
Pour l'instant, la France pèse peu dans le quatrième pays le plus peuplé au monde avec 240 millions d'habitants. Sa part de marché se limite à 1,2% (hors hydrocarbures), l'Indonésie n'étant que le 45e client et le 44e fournisseur de la France.
En 2010, les échanges entre les deux pays ont atteint 2,4 milliards d'euros, en hausse de 16% sur un an alors que le commerce extérieur indonésien bondissait de 38%. Le déficit s'est élevé à 624 millions au détriment de la France.
Ces chiffres cachent cependant la bonne santé de la centaine d'entreprises françaises implantées de longue date dans l'archipel. Total y est le premier producteur de gaz naturel, Carrefour le leader de la grande distribution, Danone celui de l'eau en bouteille, tandis que Suez Environnement, L'Oréal ou Accor ont développé une solide base. De nombreux Français contribuent aussi, dans l'hôtellerie ou l'artisanat, au succès touristique de l'île de Bali.
"Les entreprises qui réussissent sont celles qui ont fait preuve de persévérance. Elles ne le regrettent pas aujourd'hui", souligne M. Courrouyan.
De nombreuses sociétés françaises avaient en effet quitté le pays lors de la grave crise financière de 1997, qui avait stoppé net le "tigre" indonésien dans son élan.
L'économie a mis plusieurs années pour s'en remettre mais l'optimisme est aujourd'hui revenu à Jakarta. La croissance s'est élevée à 6,1% en 2010 et devrait atteindre 7% d'ici à 2015. Les investissements étrangers affluent. Les groupes chinois, sud-coréens, japonais ou indiens rivalisent pour construire les ports, routes et centrales électriques dont manquent cruellement le pays ou pour exploiter ses énormes richesses naturelles (charbon, étain, nickel, or...). Le français Eramet étudie un important projet de mine de nickel pour un investissement supérieur à 3 milliards d'euros.
"La situation évolue rapidement. Pour les entreprises qui ne sont pas encore en Indonésie, le retard sera très dur à rattraper", prévient Jean-Christophe Letellier, PDG de L'Oréal Indonésie.
Le numéro un mondial des cosmétiques en a fait l'un de ses marchés prioritaires. Il ouvrira fin 2011 près de Jakarta l'une de ses plus grandes usines au monde afin de conquérir le marché des classes moyennes, qui explose actuellement.
Si le potentiel est là, les investisseurs étrangers sont parfois rebutés par la corruption, le flou des réglementations, le manque de main-d'oeuvre qualifiée et les tentations nationalistes, notamment dans le secteur des hydrocarbures.
"L'Indonésie est un pays émergent, donc très exigeant. Mais elle récompense ceux qui se battent", résume M. Letellier.