PRETORIA (Reuters) - Les autorités sud-africaines ont affiché mardi leur intention de renforcer la lutte contre le braconnage des rhinocéros, en forte augmentation depuis quatre ans, y compris en déplaçant 500 de ces animaux de l'emblématique parc national Kruger vers des destinations jugées plus sûres.
L'Afrique du Sud, qui héberge plus de 90% des rhinocéros encore en liberté dans le monde, soit environ 21.000 -18.000 rhinocéros blancs et 3.000 noirs- a perdu plus de 1.000 bêtes l'an dernier et 630 depuis le début de l'année, dont 408 dans le seul parc Kruger (KNP).
"Nous devons transporter les rhinocéros là où ils seront en sécurité", a déclaré mardi Markus Hofmeyr, vétérinaire en chef du parc qui jouxte le Mozambique, un des pays les plus pauvres du monde dont sont originaires la plupart des braconniers.
Le braconnage a pratiquement doublé chaque année depuis quatre ans pour alimenter une demande croissante de cornes en Chine et au Vietnam, où on prête à ces appendices composés d'une matière comparable à l'ongle humain des vertus médicinales ou des qualités ornementales.
Dans les rues de Pékin ou Hanoi, le kilogramme de cornes de rhinocéros se vendrait jusqu'à 65.000 dollars (49.000 euros), davantage que les métaux les plus précieux comme l'or ou le platine.
Le dernier recensement effectué par le KNP, l'an dernier, y a évalué entre 8.400 et 9.600 le nombre de rhinocéros blancs, une espèce sauvée in extremis de l'extinction il y a un siècle.
Malgré la hausse du braconnage, la population de rhinocéros sud-africains est "stabilisée", le taux de natalité d'environ 8% compensant pour le moment le taux de mortalité, braconnage compris, a affirmé mardi la ministre sud-africaine de l'Environnement, Edna Molewa.
LÉGALISATION DU COMMERCE?
Les experts sont moins optimistes et mettent en garde contre une possible disparition de ces pachydermes à l'état sauvage d'ici une décennie si le phénomène n'est pas rapidement jugulé.
Le gouvernement sud-africain est en outre critiqué par certains défenseurs de la nature, qui lui reprochent de vouloir légaliser le commerce potentiellement très lucratif des cornes, dont l'Afrique du Sud dispose des stocks considérables, au risque d'alimenter la demande.
La justice sud-africaine est aussi accusée de ne pas punir assez sévèrement les braconniers, notamment ceux qui sont à la tête de réseaux criminels de trafiquants, davantage ménagés que les simples exécutants.
Edna Molewa s'est néanmoins montrée déterminée à agir pour protéger l'espèce et préserver la manne touristique représentée par les safaris.
Outre l'intensification de la lutte contre les réseaux et la poursuite des braconniers au Mozambique, avec lequel Pretoria vient de signer un protocole d'accord, la ministre a confirmé le déplacement prochain de centaines de rhinocéros.
"C'est une tâche de mammouth. On parle de plus de 500", a-t-elle déclaré à Reuters, en soulignant le coût engendré par une telle opération. "Nous devons commencer rapidement."
Certains rhinocéros seront transportés jusqu'au Botswana et en Zambie, ont précisé des responsables sud-africains.
Après les rhinocéros, l'Afrique du Sud craint d'être touchée par le braconnage des éléphants, qui flambe sur le continent africain avec près de 35.000 animaux abattus chaque année, selon les chiffres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites).
(Ed Stoddard; Tangi Salaün pour le service français)