L'ancienne patronne d'Areva Anne Lauvergeon a reproché jeudi à l'Etat, actionnaire à plus de 90% du groupe nucléaire public, d'avoir eu une "stratégie fluctuante" au cours des ans, dans un entretien accordé au quotidien Le Monde.
"Nous aurions pu rêver d’un Etat plus constant ! Dans une entreprise publique, l’actionnaire doit être un grand stratège", déclare Mme Lauvergeon, remplacée début juillet, sur décision du gouvernement, par son ancien numéro 2 Luc Oursel.
Dans l'édition du Monde datée de vendredi, "Atomic Anne" énumère les différents revirements des gouvernements successifs concernant Areva.
"2003, l’Etat veut fusionner Areva et Alstom pour sauver ce dernier de la faillite; 2004, il promet une ouverture du capital à 40% et y renonce en 2005; en 2006, on nous refuse d’acquérir une mine représentant 35% des réserves mondiales d’uranium parce qu’on juge insupportable qu’un groupe australien possède 8% d’Areva; en 2007, nouveau projet de fusion avec Alstom; en 2009, il faut de nouveau démanteler Areva", détaille-t-elle.
"L’Etat nous a aussi refusé un développement dans l’éolien au prétexte que les énergies renouvelables n’avaient pas d’avenir !", ajoute-t-elle.
Dans ces circonstances, "on ne peut que me reprocher d'avoir voulu garder une ligne simple et constante", déclare Anne Lauvergeon, défendant son bilan de dix années à la tête d'Areva et son modèle d'un groupe intégré.
Patronne d'Areva pendant plus de dix ans, Mme Lauvergeon indique qu'on lui a donné deux raisons à sa non-reconduction. La première est "que la même règle s'appliqu(e) au président de la République et à la présidente d'Areva: deux mandats seulement". "L'autre raison que l'on m'a donnée concernait mes relations avec Henri Proglio, le Pdg d'EDF", qui contestait le modèle intégré d'Areva, allant des mines à la construction de réacteurs et à la fabrication et au recyclage du combustible nucléaire.
"Dans cette stratégie fluctuante de l’Etat et alors que des intérêts particuliers souhaitaient prendre tout ou partie du leadership de la filière nucléaire française, (...) des opérations ont été tentées pour nous déstabiliser", affirme Anne Lauvergeon, estimant avoir défendu "les intérêts français publics face à ces groupes de pression".
Interrogée sur ses projets d'avenir, Mme Lauvergeon se contente de répondre: "à court terme, vacances".