Neuf restaurants sur dix proposent désormais du vin au verre, et pas seulement de petites appellations. En dose de 12 à 15 cl, il apparaît comme une parade à la peur du gendarme et à la crise, monte en gamme et redevient source de chiffre d'affaires.
"La répression de l'alcool au volant et la crise" ont fait baisser la consommation de vin, notamment au restaurant, a expliqué Guillem Kerambrun, directeur adjoint de la sommellerie chez Alain Ducasse Entreprise, présent au Sirha, salon de la restauration qui se tenait cette semaine à Lyon.
"Le vin vendu au verre a été une solution importante", renchérit Fabrice Sommier, son alter ego du groupe Georges Blanc: il représente "20 à 25% du vin vendu" au restaurant gastronomique de Vonnas, et "15 à 20%" dans les cinq bistrots du groupe en Rhône-Alpes.
Désormais "neuf restaurants sur dix proposent du vin au verre", selon Nicolas Nouchi du cabinet spécialisé CHD conseil, qui interroge plusieurs centaines de restaurateurs par an. Souvent, ils se limitent à "quatre appellations vendues en moyenne 3,70 euros", mais ils "montent en gamme".
"Le vin constitue, avec le plat du jour, un des derniers éléments de différenciation d'avec la restauration rapide", ajoute-t-il, d'où l'importance de conserver cette différence en proposant des incontournables mais aussi d'autres vins.
"Dès qu'on monte en gamme, le vin redevient une vraie source de chiffre d'affaires", insiste M. Kerambrun. "Si vous proposez à un client un verre de Côtes du Rhône ou de Gamay, il peut ne pas avoir envie, mais si vous lui proposez un Gevrey-Chambertin ou un Meursault, vous avez plus de chance de le lui vendre".
Dans les bistrots du groupe Ducasse, qui proposent quatre à cinq rouges et autant de blancs au verre, "17 à 18% des bouteilles sont vendues au verre et représentent 22 à 23% du chiffre d'affaires", assure-t-il.
Il est même parfois présenté en Jeroboam (bouteille de 3 litres, soit l'équivalent de 4 bouteilles classiques), une mise en scène qui apporte également "une dynamisation du chiffre d'affaires", poursuit-il.
Mais pour réussir, il faut une qualité de vin constante, c'est-à-dire en limiter l'oxydation.
Deux techniques récentes coexistent : l'une vide l'air industriellement, entre deux utilisations, et permet un service à la bouteille. L'autre remplace l'air au fur et à mesure par un gaz neutre comme l'azote ou l'argon, ce qui permet une meilleure conservation mais oblige à remplir le verre à un distributeur.
Les machines coûtent jusqu'à 5.000 euros pour quatre bouteilles, et restent encore l'apanage des bars à vins et des restaurants chics.
Chez Georges Blanc, on a opté récemment pour la première solution. "Ca fait plaisir au client de voir la bouteille", assure M. Sommier, qui a noté "un peu plus de vente de vin au verre".
"Cela permet de servir de grandes bouteilles et donc de générer du chiffre d'affaires puisqu'on ne vend pas un verre de Clos Vougeot au même prix qu'un Passetougrain", ajoute-t-il.
Au bar à vin parisien Wine to One, également caviste du IIè arrondissement, cent bouteilles sont proposées en distributeurs. Des vins à 1 euro en dégustation (3 cl), mais aussi du Cheval-Blanc ou du Château Yquem, qu'il aurait été "impossbile" de proposer à la dégustation, "sans cette technique de conservation", reconnaît son créateur Stéphane Girard.
Chez Ducasse, on préfère faire le vide à l'ancienne, et "motiver les sommeliers" sur la gestion des bouteilles ouvertes.