L'Italie a fait face jeudi à une forte hausse de ses taux d'emprunt à trois ans lors d'une émission de dette très suivie par les investisseurs, après le bond de ses taux à court terme mercredi, signe du regain de tensions en zone euro.
Rome, qui comptait lever entre 3 et 5 milliards d'euros, a presque atteint son objectif maximum en émettant près de 4,9 milliards d'euros grâce à une demande totale de 8,5 milliards d'euros, a annoncé la Banque d'Italie.
Dans le cadre de sa principale émission, le Trésor a levé 2,88 milliards d'euros de bons à trois ans (échéance mars 2015), contre un objectif maximum de 3 milliards, à un taux de 3,89%, en forte hausse par rapport au taux de 2,76% enregistré le 14 mars.
Mercredi, Rome, qui avait profité depuis le début de l'année de conditions d'emprunt favorables, avait déjà vu ses taux d'intérêt bondir lors d'une émission de dette à court terme.
Le Trésor a en outre émis jeudi 395 millions d'euros de bons à échéance novembre 2015 à un taux de 3,92%, 687 millions de bons à échéance 2020 à un taux de 5,04% et 918 millions de bons à échéance 2023 à un taux de 5,57%, atteignant ainsi l'objectif maximum de 2 milliards fixé pour ces titres.
La Banque d'Italie ne compare pas les taux de ces obligations avec ceux enregistrés lors d'émissions précédentes.
Après avoir marqué le coup en cédant autour de 1,5% après l'émission, la Bourse de Milan se reprenait et ne reculait plus que de 0,82% vers 10H45 GMT.
Selon Chiara Manenti, stratégiste obligataire de la banque italienne d'Intesa Sanpaolo, le fait que le Trésor n'ait pas atteint son objectif maximum pour les titres à échéance mars 2015, les plus scrutés par le marché, prouve que les "investisseurs restent très prudents".
"Le marché reste fragile" et "les tensions qui sont apparues en Espagne" en raison des inquiétudes des investisseurs vis-à-vis de la capacité de Madrid à respecter ses engagements budgétaires, "ont frappé l'Italie par effet de contagion", ajoute-t-elle.
Jean-François Robin, stratégiste obligataire de la banque française Natixis, juge de son côté que cette émission n'a "rien de dramatique": "les taux sont élevés mais en ligne avec le marché et la demande est à peu près là, on ne peut pas dire qu'ils aient du mal à émettre".
Cette émission confirme en revanche "un essouflement du LTRO", le prêt exceptionnel de la Banque centrale européenne qui avait permis aux banques d'acheter des titres de dette, ce qui avait contribué à la baisse des taux des pays fragiles comme l'Italie, estime-t-il.
En vue de rassurer, le vice-ministre de l'Economie Vittorio Grilli a tenu à souligner que cette émission était "conforme aux attentes" et a justifié le "choix" du Trésor de ne pas émettre 5 milliards, son objectif maximum, car les taux ne sont pas à leur "juste" niveau.
L'Italie, qui ploie sous une dette colossale représentant environ 120% de son PIB, a émis jusqu'à présent 168 milliards d'euros d'obligations, selon Intesa Sanpaolo, soit un peu plus du tiers de son programme total annuel de près de 450 milliards.
Jeudi, Piercarlo Padoan, chef économiste de l'OCDE, a estimé que les taux obligataires italiens pourraient pâtir des problèmes affrontés par l'Espagne même si "les marchés savent très bien faire la différence entre la situation espagnole et italienne".