Les orages de grêle et déluges qui s'abattent sur les cultures depuis le début de la semaine après un printemps froid et humide viennent alourdir la facture pour l'agriculture avec des dégâts estimés jeudi à 500 millions d'euros par la FNSEA.
"Il faudra affiner, mais on estime aujourd'hui que ça pourrait se monter à plus de 500 millions d'euros", a estimé le président du syndicat majoritaire Xavier Beulin jeudi sur Europe 1.
"Il y a près de 300.000 hectares en France aujourd'hui détruits ou qui n'ont pas pu être semés: 1.500 euros par hectare, ça va très vite..." a-t-il dit en additionnant pertes de récoltes, de matériels et de bâtiments.
En première ligne sous l'orage: les vignobles.
Dès lundi, les viticulteurs de l'appellation Vouvray, en Touraine, annonçaient que deux tiers des parcelles avaient été ravagées en moins de quinze minutes par les grêlons.
Depuis, le Sud-Ouest essuie des orages à répétition: selon Maurin Bérenger, président du syndicat de défense de l'AOC Cahors, 200 à 250 hectares ont été touchés sur lesquels les vignerons perdent 80 à 100% de leur récolte.
Pour une vingtaine de propriétés, selon M. Bérenger, "la récolte 2013 est morte et celle de 2014 très compromise".
Son syndicat entend d'ailleurs demander "le soutien de l'Etat mais aussi de la MSA (mutualité sociale agricole) et des services fiscaux pour aider les professionnels qui ont et vont souffrir".
Une demande relayée par le président de la filière viticole de FranceAgriMer (organisme public) Jérôme Despey qui souhaite la mobilisation du Fonds national des calamités agricoles (géré par le ministère de l'Agriculture): non seulement pour la récolte de l'année mais aussi pour celle à venir.
"On a eu des pertes de fond" en Touraine et Cahors: "Tout est dévasté, il n'y a plus une feuille. Ca fait mal au coeur, on se croirait en hiver" dans les zones les plus touchées, dit-il - en notant que de nouveaux orages étaient attendus jeudi sur l'Alsace).
La verse après l'averse
Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll se rendait dans l'après-midi dans trois départements particulièrement impactés (Haute-Garonne, Pyrénées Atlantiques et Orientales): mission préalable à l'activation possible d'aides publiques, selon le ministère.
Outre le vignoble, les grandes cultures sont également affectées.
En Aquitaine, "toutes les productions végétales souffrent", relève Gérard Mutolo, Directeur de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA): "Les plus touchées sont les cultures céréalières, en particulier le maïs car des mises en culture n'ont pu être faites à cause de la pluie et on commence à arriver trop tard dans la saison pour le faire".
Selon lui "50.000 ha de maïs n'ont pu être semés" et les autres cultures souffrent de l'excès d'eau et des températures trop basses. Et de "rares journées de très forte chaleur associées à une grande humidité sont propices au développement des maladies", relève encore M. Mutolo.
"On a presque deux mois de retard" constate aussi Patrick Caperra, du Pôle économique de la chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées.
"Normalement on sème début mai. Mais ça n'a pas été possible, on n'a eu que deux jours d'accès possible aux parcelles en avril et en mai: on a pris 200% de pluviométrie par rapport à la normale".
En Touraine, près de 5.000 ha de céréales (blé, orge et surtout colza) sont endommagés, avec des sols gravement frappés et des cultures "hachées" par 15 minutes de grêlons gros comme des balles de ping-pong.
"Certaines parcelles ont encore la possibilité de se reprendre si les sols arrivent à s'essuyer", estime Edward de Saint-Denis, chez Plantureux (courtage en matières premières agricoles).
Le problème, ajoute-t-il, c'est celui de "la verse: les couchées au sol par l'orage, avec le risque de germination et de maladie au contact de la terre humide".
Le mois dernier, 70.000 ha avaient déjà été perdus dans les régions du centre-est en raison des inondations, selon l'Assemblée des Chambres d'Agriculture.
Dans de nombreuses régions trop arrosées, les éleveurs sont aussi à la peine: ils ont dû rentrer les bêtes en zone inondée et les foins n'ont pu être faits, ce qui risque de créer, si ce n'est une pénurie, au moins une forte tension sur les approvisionnements en fourrage, prévient François Thabuis, président du syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA).
En revanche, sur la fruiticulture la facture reste incertaine: "Dans les zones les plus exposées les vergers sont protégés des grêlons par d'épais filets tendus sur les arbres", rapporte Luc Barbier, président de la fédération des producteurs de fruits.
Selon lui, les bassins de production de pêches et d'abricots ont été épargnés et "s'il y a des dégâts c'est à la marge".
Dans l'Yonne cependant selon Francis Letellier, président de la FDSEA, "la production des cerises dont la récolte commençait à peine a été détruite de 50 à 80% par la grêle et le reste risque d'éclater avec la pluie".