Les marchés financiers européens ont subi une journée noire mardi, pris de panique à l'idée que l'Italie devienne ingouvernable à l'issue des élections législatives et ne fasse replonger la zone euro dans la crise.
La plus directement concernée, la Bourse de Milan, a achevé la séance sur un plongeon de 4,89% à 15.552 points, les valeurs bancaires étant les plus touchées avec des reculs de -10% pour certaines d'entre elles.
Les autres places boursières européennes ont également terminé dans le rouge vif: -2,27% pour Francfort, -1,34% pour Londres, -3,2% pour Madrid et -2,67% pour Paris.
"La menace de retombées éventuelles des élections italiennes a toujours été une possibilité et c'est devenu aujourd'hui une réalité alors que l'impasse (politique) laisse le pays lourdement endetté, sans gouvernement en état de fonctionner, à un moment où il doit mettre en oeuvre un agenda considérable de réformes afin d'éviter de suivre la pente d'autres pays de la zone euro ayant demandé un sauvetage", a commenté Angus Campbell de Capital Spreads.
"Même si les ventes d'aujourd'hui sur les marchés d'actions ne peuvent pas être qualifiées de krach, elles ont rappelé que sans direction politique dans les Etats clés, la zone euro a le potentiel de s'effondrer", a ajouté l'analyste.
"Pour l'heure, la feuille de route des réformes en Italie vient de heurter un mur. Quelle que soit la configuration que prendra le gouvernement, il lui faudra établir des priorités et trouver un accord politique sur une réforme électorale, ouvrant la voie à de nouvelles élections", a prédit Eoin Ryan, analyste de IHS Global Insight.
A l'inverse de ses consoeurs européennes, Wall Street a nettement rebondi mardi, après quelques hésitations en mi-séance, portée par de bons indicateurs américains et une confirmation du maintien de la politique monétaire ultra-accommodante aux Etats-Unis. Le Dow Jones Industrial Average, l'indice phare de la place financière new-yorkaise, a gagné 0,84% et le Nasdaq, à dominante technologique, 0,43%.
L'euro est pour sa part tombé mardi matin à 1,3018 dollar, son niveau le plus faible depuis sept semaines, avant de remonter à 1,3065 dollar vers 21H30 GMT, tandis que les taux italiens et espagnols se tendaient nettement sur les marchés obligataires: le taux à 10 ans de l'Italie a grimpé à 4,884% (contre 4,490% la veille à la clôture) et celui de l'Espagne à 5,342% (contre 5,168%).
Le Trésor italien, qui a emprunté dans la matinée 8,75 milliards d'euros sur 6 mois, a vu lui aussi les taux bondir au plus haut depuis octobre mais le véritable test de confiance est attendu mercredi lorsqu'il procédera à l'émission d'obligations à échéance 5 et 10 ans, beaucoup plus risquées.
En Espagne, autre pays considéré comme un maillon faible de la zone euro, le ministre de l'Economie Luis de Guindos a admis que l'Italie avait un effet de contagion sur les marchés financiers mais s'est dit persuadé que cet effet négatif ne se ferait sentir qu'"à court terme". "Je suis convaincu que la volonté politique qui consiste à mener à bien les politiques nécessaires pour sortir l'Europe de la crise prévaudront", a-t-il dit.
Les marchés financiers, qui espéraient de longue date et misaient encore lundi avec une certaine confiance sur une alliance pro-réformes entre le dirigeant du centre gauche Pier Luigi Bersani et le président du Conseil sortant Mario Monti en ont été pour leurs frais.
Non seulement une telle alliance au vu des résultats ne suffirait pas pour avoir la majorité au Sénat, mais la réapparition de leur bête noire Silvio Berlusconi et la spectaculaire percée du mouvement de l'ex-comique Beppe Grillo ont mené à une situation de "tempête parfaite", constate amèrement le journal des milieux d'affaires Sole 24 Ore.
D'où le coup de froid sur les places boursières européennes, dont la durée paraît difficile à pronostiquer alors qu'aucune solution ne se profile pour l'instant.
Le premier choc passé, les marchés ont commencé à échafauder des hypothèses pour la suite: différents types de coalitions, nouveau gouvernement technique ou nouvelles élections sont évoqués, mais aucune thèse ne semble s'imposer en l'état. Cette crise éclate alors que l'Italie, déjà fragilisée par près de deux années de récession et une énorme dette de quelque 2.000 milliards d'euros, court en outre le danger de voir sa note rapidement dégradée par des agences de notation.
Certains se demandent déjà si l'Italie peut mettre en danger l'ensemble de la zone euro. "Nous devons nous rappeler pourquoi l'Italie est si importante pour la survie de l'euro. Silvio Berlusconi a été mis à la porte il y a deux ans et remplacé par le technocrate Mario Monti, dont le seul objectif était de réformer le pays. Cela n'a guère été fait à part quelques retouches fiscales et donc l'Italie, avec sa gigantesque montagne de dettes, reste une bombe à retardement au coeur de la zone euro", soulignent les experts de Capital Spreads.