La production industrielle française, aidée par l'automobile, a nettement rebondi en mai après des mois de repli, mais la sortie de crise semble encore lointaine, notamment sur le front de l'emploi qui n'a pas fini de se dégrader.
La production de l'ensemble de l'industrie française a progressé de 2,6% en mai, après avoir reculé de 1,5% en avril, a annoncé vendredi l'Insee. Quant à la seule production manufacturière (produits transformés), elle a aussi rebondi de 2,4%, après huit mois de reculs consécutifs et un repli de 0,6% en avril.
"Un point bas a été atteint dans le secteur industriel. La conjoncture industrielle se stabilise", a-t-on aussitôt réagi dans l'entourage de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde.
"Cela devait bien finir par arriver", nuance Alexander Law, économiste chez Xerfi: "la production avait tellement reculé qu'elle ne pouvait que progresser".
De fait, sur les trois derniers mois, elle reste en baisse de plus de 16% par rapport à l'année précédente.
Le rebond de mai s'explique avant tout par la hausse de la production dans les matériels de transport, notamment dans le secteur automobile, où elle a progressé de 10,2%.
Les économistes y voient l'effet de la "prime à la casse", qui a permis de soutenir les ventes de petits véhicules.
"Attention aux effets d'aubaine", prévient Jean-Christophe Caffet, chez Natixis, qui s'attend à un "contre-coup" une fois l'effet de la prime épuisé.
"Il pourrait s'agir d'un feu de paille", renchérit Mathilde Lemoine, chez HSBC, rappelant que dans le passé, les "balladurette" et "juppette", ancêtres de la "prime à la casse" s'étaient soldées par une hausse de 20% des immatriculations, suivie d'une baisse d'une ampleur similaire.
Vendredi, le patron du constructeur automobile français Renault, Carlos Ghosn, a lui-même dit s'attendre à une année 2010 "aussi difficile" que 2009 en raison notamment de la fin de la prime à la casse.
Reste que le redémarrage de la production du secteur a eu un effet d'entraînement sur les filières dépendant de la production automobile, comme les industries métallurgiques (+4,5%), ou le caoutchouc et les plastiques (+2,2%).
"Le déstockage", mouvement par lequel les entreprises ont vidé leurs stocks face à l'absence de commandes, "responsable de plus de la moitié du repli de la croissance au 1er trimestre, touche à sa fin", veut-on aussi croire à Bercy.
"Les entreprises vont continuer à déstocker dans les secteurs touchés plus tardivement par la crise, comme les biens d'équipement ou de consommation", avance pourtant Mathilde Lemoine.
"Le terme qui convient aujourd’hui est bien +rebond+ et non +reprise+", estime ainsi Alexander Law, pour qui le chiffre de mai ne peut "être interprété comme un début de sortie de crise pour l’économie française".
Et si, selon les économistes, la contraction de l'activité pourrait se modérer au deuxième trimestre après un repli du produit intérieur brut (PIB) de 1,2% au premier, la situation de l'emploi devrait, elle, continuer à se dégrader.
"Une reprise graduelle de l’activité ne se traduira pas par un repli immédiat du chômage", prévient-on dans l'entourage de Mme Lagarde.
"Face à la chute de la demande, les entreprises ont d'abord arrêté leur production et vidé leurs stocks mais pour baisser leurs coûts, elles vont maintenant licencier plus massivement", prédit Mathilde Lemoine. Selon elle, "sur le front de l'emploi, on entre dans le dur de la crise".