Le Fonds monétaire international a proposé jeudi de rompre avec 65 ans d'histoire en allant emprunter directement sur les marchés financiers, afin de trouver de l'argent auprès des banques et investisseurs plus vite qu'auprès de ses Etats membres en cas de crise aiguë.
"Il pourrait y avoir des circonstances où il serait soit nécessaire, ou préférable pour des raisons d'efficacité, d'augmenter considérablement les ressources propres du Fonds", a écrit la direction du FMI pour justifier ce projet.
"Même si en 2009-2010 il fut possible de le faire en se tournant vers les Etats membres, le processus a pris du temps et pourrait ne pas être toujours politiquement réalisable", a poursuivi le FMI.
"Par conséquent, l'idée d'établir les modalités pour que le Fonds emprunte sur les marchés en peu de temps pour compléter ses ressources actuelles pourrait valoir la peine d'être explorée", a-t-il conclu.
La proposition figure dans un état des lieux de la réforme du système monétaire international daté du 23 mars et publié jeudi.
Elle n'a pas suscité de réaction des Etats membres dans l'immédiat, mais risque de se heurter à des réticences. Depuis sa naissance en 1945, l'institution est en effet à 100% financée par ses actionnaires, les ministères des Finances et banques centrales des 187 Etats membres.
"Depuis que le FMI a été créé, la taille des marchés financiers internationaux a augmenté de manière exponentielle, et la source de ses financements n'a pas suivi", explique à l'AFP Domenico Lombardi, professeur d'économie et ancien administrateur du Fonds pour l'Italie.
Mais "certains actionnaires qui n'apprécieraient pas l'indépendance que cela impliquerait, pourraient être tentés de s'y opposer", estime-t-il.
Le FMI, qui avait obtenu en avril 2009 l'engagement des pays riches et émergents du G20 de tripler ses ressources, est passé par un long processus pour y parvenir, achevé deux ans plus tard.
Son histoire est marquée par de longues batailles devant le Congrès américain pour que les Etats-Unis, premier bailleur de fonds, apportent leur écot. En 1983, le président Ronald Reagan avait dû peser de tout son poids pour convaincre des parlementaires très réticents de relâcher les cordons de la bourse, malgré l'ampleur de la crise de la dette en Amérique latine.
Aujourd'hui, la question est moins urgente. Le FMI n'a jamais été aussi riche, les "ressources utilisables" du compte destiné à aider les pays à revenus à moyens ou élevés ayant grimpé à 671 milliards de dollars.
Mais par un hasard du calendrier, la publication du projet intervient au lendemain de la demande par le Portugal d'une aide financière de l'Union européenne. Jeudi, Lisbonne n'avait pas encore demandé celle du FMI.
Pour convaincre, le Fonds a présenté l'idée comme une amélioration du système monétaire international, le FMI étant considéré comme l'un des emprunteurs les plus sûrs au monde.
"Cela pourrait avoir l'avantage supplémentaire d'offrir un actif refuge relativement sûr lors des épisodes de tensions sur les marchés mondiaux", a-t-il avancé.
Il n'a pas précisé à quelle échéance il voulait émettre ces titres de dette, ni les montants envisagés.
Le FMI a émis les premières obligations de son histoire en 2009, réservées à quatre Etats membres (Brésil, Chine, Inde et Russie) et non échangeables. Elles sont libellées dans son unité de compte, les Droits de tirage spéciaux.
L'institution soeur, la Banque mondiale, qui a les mêmes 187 Etats membres, en vend aux investisseurs privés et publics depuis 1947.