Les industriels et exportateurs allemands, dont l'Europe reste le premier débouché, se préparent à subir les contrecoups de la crise de la dette, alors que leurs dirigeants tergiversent sur la façon de soutenir les partenaires européens en difficulté.
L'Allemagne est le deuxième exportateur mondial. Cette année, elle vendra pour plus de 1.000 milliards d'euros hors de ses frontières. Et, nonobstant la vigueur de la demande asiatique, ses partenaires européens restent ses premiers clients.
Entre janvier et septembre 2010, 60% de ses exportations sont allées vers des pays de l'Union européenne, près de 40% en seule zone euro.
"Pour les entreprises et les industries allemandes, les pays européens ne sont pas des moteurs de croissance, d'autres remplissent ce rôle", analyse Thomas Mayer, économiste en chef de Deutsche Bank. "Mais les Allemands ont besoin d'avoir les mains libres en Europe", leur base, "et c'est seulement dans ce cas qu'ils peuvent profiter de la croissance par exemple en Asie".
Or cette base commence à leur causer du souci. En novembre, pour le troisième mois d'affilée, les entrées de commandes à l'industrie en provenance de la zone euro ont reculé.
Un certain nombre de pays européens se débattent dans de gros problèmes budgétaires. Grèce et Irlande ont déjà dû appeler leurs partenaires à la rescousse et sont condamnés à se serrer la ceinture pour les années à venir.
"Tant que les problèmes touchent seulement des petits pays, c'est tout à fait supportable", commente Fabienne Riefer, économiste de Postbank. "Mais dès que l'on parle de l'Espagne ou de l'Italie, cela devient problématique", dit-elle à l'AFP. Or dans ces deux pays, la rigueur aussi est de mise.
Pour Anton Börner, président de la fédération des exportateurs allemands BGA, "le raisonnement est simple: si l'économie de ces pays faiblit, c'est un problème pour l'Allemagne parce qu'ils achètent moins".
L'Allemagne a vendu en 2009 pour 6,6 milliards d'euros en Grèce, 0,82% du total de ses exportations, environ la même chose au Portugal et moitié moins en Irlande. L'Italie est en revanche le cinquième partenaire commercial de l'Allemagne, qui y exporte quelque 60 milliards d'euros par an. Des chiffres qui ne prennent pas en compte l'engagement direct des entreprises allemandes dans ces pays.
Chez les fédérations sectorielles et les grandes entreprises allemandes, il est de bon ton de faire valoir que l'engagement dans les pays vraiment en difficulté est minimal.
Dans le BTP, "la présence allemande est petite, et va vraisemblablement se réduire encore plus", selon Herbert Bodner, président de la fédération de ce gros secteur de l'industrie allemande. Chez le distributeur Metro, les 41 magasins au Portugal et en Grèce génèrent un chiffre d'affaires cumulé représentant moins de 2% du total, fait-on valoir.
Le géant des télécommunications Deutsche Telekom est moins détendu: il a racheté en 2008 30% de l'opérateur grec de téléphonie OTE, entièrement consolidé dans ses comptes, et a déploré en novembre "une situation conjoncturelle tendue" sur ce marché. Le numéro un allemand du BTP, Hochtief, actionnaire de l'aéroport international d'Athènes, ne veut pas s'exprimer sur le sujet.
"Personne ne veut en parler publiquement et admettre que les affaires vont mal" sur certains marchés, selon une source économique.
Toutefois M. Börner l'a reconnu cette semaine: "nous devrons bien bon gré mal gré accepter des baisses de chiffre d'affaires" si les pays européens se mettent au régime sec.