Les responsables de l'enquête de Renault qui a conduit à la mise à pied de trois cadres du groupe automobile français n'évoquaient que des "soupçons de corruption" et réclamaient trois mois de plus pour étayer les investigations, a affirmé Le Monde vendredi.
Interrogée par l'AFP, la direction de Renault s'est refusée à tout commentaire.
Selon le quotidien, les deux auteurs de ce rapport d'investigation, un ancien membre du Technocentre de Renault -où le constructeur développe ses nouveaux véhicules- et un ex-policier, se sont appuyés sur le travail d'un enquêteur privé qui a travaillé seul et transmis ses informations de manière informelle.
L'enquête, entamée en août 2010, a été déclenchée après l'envoi d'une lettre anonyme comprenant trois noms, dont celui de Michel Balthazard, le plus important des trois cadres incriminés, membre du comité de direction de Renault, affirme le Monde.
Des soupçons pesant sur ce dernier étaient apparus 18 mois plus tôt, après une première lettre anonyme adressée à la sûreté dans laquelle son nom apparaissait, précise-t-il.
Le nom de Bertrand Rochette, l'un de ses adjoints, n'apparaît pas dans ces lettres, tandis que celui de Matthieu Tenenbaum, directeur de programme adjoint du véhicule électrique, n'est cité qu'allusivement que dans la seconde missive, souligne-t-il.
Les trois hommes ont été mis à pied le 3 janvier et risquent un licenciement pour faute lourde en raison de leur implication présumée dans cette affaire d'espionnage, qui concerne le projet phare de véhicule électrique de Renault, dans lequel il a investi 4 milliards d'euros avec son allié japonais Nissan.
La sûreté du constructeur soupçonne M. Balthazard d'avoir supervisé l'opération et joué le rôle de recruteur de ses deux collaborateurs, selon le Monde.
Le quotidien se montre perplexe sur le travail de l'enquêteur privé, qui n'a eu ni l'aide des services fiscaux ni les moyens techniques spécialisés de police, a remonté en moins de trois mois des circuits financiers transitant par des sociétés écran à Chypre, Malte, Hong-Kong ou Shanghaï et dont la rétribution, près de 50.000 euros, "ne constitue pas un budget adapté à ce type de recherche financière complexe".
Renault a déposé jeudi plainte contre X auprès du parquet de Paris "pour des faits constitutifs d'espionnage industriel, de corruption, d'abus de confiance, de vol et recel, commis en bande organisée" dans cette affaire.