Plusieurs ministres dont Michel Sapin et Emmanuel Macron ont tancé jeudi les patrons, les appelant à se concentrer sur leur "vraie" mission d'investissement et de création d'emplois, plutôt que de manifester comme ils le font depuis le début de la semaine à l'appel de leurs organisations représentatives.
"Je vois ces images; des sifflets. J'ai vu aussi des images de cadenas. Ce n'est pas à la hauteur du débat. Ce n'est pas à la hauteur de l'enjeu", a ainsi estimé le ministre des Finances Michel Sapin sur iTélé, opposant ces patrons qui manifestent aux "vrais chefs d'entreprise" concentrés sur la bonne marche de leur firme.
Son collègue de l'Economie, Emmanuel Macron, a de nouveau appelé les dirigeants patronaux à "prendre leurs responsabilités" et à conclure davantage d'accords de branche concernant les contreparties au pacte de responsabilité.
S'exprimant lors d'un forum d'entrepreneurs, il a fait la distinction entre les entrepreneurs et les "représentants du patronat qui ne sont pas contents et qui voudraient que l'on mette toujours plus d'argent ou de mesures".
"Nous, nous avons pris un risque politique qui n'était pas naturel pour un gouvernement de gauche", a-t-il insisté, en référence au Pacte de responsabilité et à l'allègement "de la fiscalité et des charges de 40 milliards d'euros" pour les entreprises.
"Mais quand vous faites le constat qu'il n'y a que deux accords de branches qui ont été signés et beaucoup de branches qui refusent de discuter, est-ce que j'ai deux secondes de crédibilité si je dis +tout va bien Madame la marquise+?", a-t-il demandé, avant de répondre lui-même par la négative.
La ministre de la Santé Marisol Touraine a quant à elle soutenu sur RTL la simplicité du dispositif du compte pénibilité, vilipendé par le patronat qui le juge inapplicable.
- "Outrances verbales" -
Les déclarations ministérielles n'ont pas manqué de faire réagir les organisations patronales. La CGPME a ainsi déploré des "outrances verbales stériles et inutiles", et rappelé que les patrons s'exprimaient "dans le calme sans porter préjudice, ni gêner les Français".
Le Club des Entrepreneurs a jugé "scandaleux" les propos de M. Sapin et condamné "ce clivage artificiel qui vise à opposer les uns aux autres dans une période où la France a besoin de rassemblement et d'unité".
Les organisations patronales appellent à une semaine de mobilisation depuis lundi pour protester contre la fiscalité des entreprises, la durée minimale de travail de 24 heures hebdomadaires pour les nouveaux contrats à temps partiel, l'obligation d'informer les salariés en cas de cession de l'entreprise et l'entrée en vigueur partielle du compte personnel de prévention de la pénibilité à partir du 1er janvier 2015.
Mercredi, la CGPME, le Medef et l'UPA organisaient un rassemblement à Lyon, où les 3.000 participants se sont vu distribuer des sifflets, pour protester contre la politique économique du gouvernement.
Lundi, entre 4 et 10.000 patrons avaient manifesté à l'appel de la CGPME à Toulouse et à Paris, installant de nombreux cadenas aux alentours du ministère de l'Economie et des Finances, pour symboliser 30 ans d'une politique qui a selon eux "bridé" l'économie.
Selon un sondage Odoxa réalisé pour BFM Business, Challenge et Aviva assurance, 64% des Français pensent que les patrons "ont raison de se mobiliser pour ce qu'ils appellent leur +souffrance et leur ras-le-bol+ contre la politique du gouvernement".
Un responsable du Medef, Thibault Lanxade, interrogé sur RMC a souligné que les Français "soutiennent et comprennent la mobilisation des patrons".
Il a dit ne pas comprendre les déclarations de M. Macron quant aux risques pris par le gouvernement de gauche en décidant des allégements de charge en faveur des entreprises: "prendre des risques mais c'est son métier, il doit diriger le pays, faire en sorte que la situation économique se redresse".
Il a aussi contesté le chiffre donné par M. Macron sur le nombre de branches (deux seulement) ayant conclu des accords dans le cadre du Pacte de responsabilité: "ce n'est pas vrai, il y a trois branches et il faut regarder leur poids, il y a notamment la métallurgie avec 1,8 million de salariés" et "les banques, un employeur extrêmement important en France, devraient signer un accord d'ici la fin de l'année", a-t-il dit.