PARIS (Reuters) - Des milliers de personnes ont bravé samedi à Paris l'interdiction de manifester en faveur des Palestiniens de Gaza et provoqué des affrontements violents avec les forces de l'ordre dans le nord de la capitale.
La manifestation a dégénéré quand les policiers ont voulu stopper le cortège interdit dans le quartier de Barbès, les policiers répliquant par des gaz lacrymogènes aux projectiles divers, dont des pavés, des manifestants.
Des heurts se sont poursuivis dans la soirée, des manifestants montant des petites barricades et allumant des feux. D'autres se sont rendus en petits groupes dans le 4e arrondissement, qui abrite un quartier juif historique et où d'importantes forces de l'ordre ont pris position.
"Nous sommes tous des Palestiniens", scandaient les manifestants face aux cordons de CRS.
Trente-huit personnes avaient été interpellées à 19h00 pour des jets de projectiles ou des violences envers des policiers, a indiqué la préfecture de police.
Le député UMP Eric Ciotti, qui réclame une interdiction générale des rassemblements en faveur des Palestiniens de Gaza, a estimé que le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait été "un peu pris de court"." Le dispositif n'était en aucun cas adapté à la situation", a-t-il déclaré sur BFM-TV.
Pour le Front national, "l'échec" du gouvernement "incapable de faire respecter ses décisions" est "patent".
D'autres manifestations, cette fois pacifiques, ont eu lieu dans une quinzaine de villes de province, dont Marseille, Lille, Lyon, Nîmes, Strasbourg, Nantes et Montpellier.
L'interdiction de la manifestation parisienne a suscité l'indignation des organisations pro-palestiniennes et d'une partie de la gauche reprochant au gouvernement d'être trop favorable à Israël.
Bernard Ravenel, de l'association France Palestine Solidarité, a estimé que l'exécutif avait provoqué la "colère" des manifestants par son "strabisme" sur le conflit. "L'interdiction a été une erreur", a-t-il dit sur BFM-TV.
Malgré les menaces des autorités, 3.000 à 4.000 personnes se sont rassemblées en début d'après-midi devant le métro Barbès-Rochechouart aux cris de "Israël assassin, Hollande complice".
Des forces de police ont bloqué le boulevard de Magenta mais les manifestants, répondant notamment à l'appel du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), ont pris la direction du boulevard Barbès où des heurts ont éclaté. Du mobilier urbain a été vandalisé et des feux ont été allumés.
"Israël assassin, Palestine vaincra", criaient des manifestants.
Des pro-Palestiniens sont également montés sur le toit d'un immeuble où ils ont brûlé des drapeaux israéliens, a rapporté Reuters TV.
"NOUS N'IMPORTONS PAS LE CONFLIT"
Le préfet de police de Paris, Bernard Boucault, avait tenté de dissuader les manifestants de descendre dans la rue en prévenant que ceux qui défileraient prendraient "le risque d'être contrôlés, interpellés et remis à la justice".
A Marseille, plusieurs milliers de pro-Palestiniens se sont rassemblés sur le Vieux-Port, avant de manifester derrière une banderole proclamant "Solidarité Palestine".
"Nous n'importons pas le conflit, mais rappelons ce qui devrait être les valeurs de la France", a dit un porte-parole du collectif en réponse à François Hollande.
Le chef de l'Etat a invoqué des "risques pour l'ordre public" et le refus de voir le conflit s'importer en France pour justifier l'interdiction de la manifestation parisienne.
Le ministre de l'Intérieur a mis en avant les heurts qui avaient éclaté dimanche dernier lors d'une précédente manifestation devant deux synagogues parisiennes.
Sept députés socialistes, dont Alexis Bachelay, Yann Galut, et Razzy Hammadi, ont réprouvé la position de l'exécutif.
"Le seul camp que la France doit choisir, c'est celui de la paix. Aujourd'hui, nous refusons la décision trop hâtive du ministère de l'Intérieur", ont-ils déclaré dans un communiqué. Europe Ecologie-Les Verts a également critiqué le gouvernement.
En déplacement en Jordanie, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a réfuté que l'exécutif ait adopté une position pro-israélienne, comme le dénoncent de nombreux manifestants.
"La liberté de penser des choses différentes est entière en France, mais nous ne voulons pas que ça ait des conséquences négatives sur la sécurité de l'ensemble du territoire. Ca ne signifie en aucun cas que le gouvernement français prendrait position contre les Palestiniens", a-t-il dit à des journalistes.
(Gérard Bon, avec François Revilla à Marseille et Gilbert Reilhac à Strasbourg, et John Irish à Amman)