Avec Toulouse et Midi-Pyrénées, Nicolas Sarkozy a choisi pour présenter ses voeux au monde économique jeudi une région qui résiste à la crise grâce aux industries aéronautique et spatiale, et qui va encore profiter de la commande record tout juste enregistrée par Airbus.
Cela n'a pas empêché la brève visite présidentielle d'être précédée d'un concert de récriminations et de revendications dans une région très à gauche.
Moins de 48 heures avant la visite au siège d'Airbus à Blagnac, près de Toulouse, l'avionneur a annoncé la plus grosse commande de l'histoire de l'aéronautique en nombre d'appareils, la livraison de 180 Airbus A320 à la compagnie indienne IndiGo.
"C'est une excellente nouvelle pour l'emploi, que ce soit directement ou indirectement, et pour tout le tissu économique régional", a commenté Françoise Vallin, déléguée centrale CFE-CGC d'Airbus.
"Un beau cadeau de début d'année", s'est réjoui Fabrice Brégier, numéro deux de l'avionneur. "C'est l'équivalent de six mois de production, c'est considérable", a-t-il dit.
Sur 40 A320 produits chaque mois par Airbus, 14 sortent actuellement des chaînes régionales.
L'annonce de ce contrat illustre combien la spécialisation de Toulouse et la région dans un secteur aux carnets de commandes bien remplis (aéronautique, spatial et services liés) a servi de garde-fou face à la crise.
La région est de celles qui ont le "mieux résisté", souligne Jean-Louis Chauzy, président du Conseil économique et social régional, citant en exemple le nombre des livraisons d'Airbus en 2010.
L'avionneur a établi un nouveau record pour 2010 et battu son concurrent Boeing, avec plus de 500 appareils livrés.
Selon l'Insee, 64.000 personnes environ travaillent pour l'aéronautique et le spatial dans la région, dont 40.000 chez les sous-traitants.
Midi-Pyrénées a d'autres cordes à son arc: un secteur de la recherche dynamique, des filières agroalimentaire et biotechnique actives, une forte croissance démographique créatrice de demande.
Si le taux de chômage régional est comparable au national (9,4% contre 9,3% en France fin 2010), l'attractivité démographique de Midi-Pyrénées permet en fait de dire qu'elle "est dynamique en termes d'emplois", dit le directeur régional de l'Insee, Jean-Philippe Grouthier.
La région n'est cependant pas exempte des soucis qui affligent le reste du pays. "Le bâtiment et les travaux publics sont en très grande difficulté", avec de nombreuses entreprises aux abois, dit M. Chauzy.
Les partenaires sociaux et politiques qui l'attendent ont bien conscience que M. Sarkozy ne passera guère que deux heures dans leur région, a priori sans sortir d'Airbus, et qu'il vient davantage s'adresser aux forces économiques nationales que saluer un quelconque modèle midi-pyrénéen.
Mais ils n'entendent pas que la réussite de certaines entreprises fasse oublier au chef de l'Etat ses "devoirs envers le monde du travail", comme l'ont écrit trois poids lourds socialistes dans un communiqué: le président de la région Midi-Pyrénées Martin Malvy, le maire de Toulouse Pierre Cohen et le président du conseil général de la Haute-Garonne Pierre Izard.
La CGT considère elle "qu'il y a même de l'indécence à se pavaner ainsi alors que maintes entreprises sont en difficulté ou ont dû fermer leurs portes".
Il s'agit d'une allusion, entre autres, à l'usine française du groupe américain Molex, fermée en 2009 et devenue le symbole d'entreprises jugées rentables mais sacrifiées à l'actionnariat. Des représentants des ex-salariés seront reçus jeudi par un collaborateur du président.