Embouteillages, camions bloqués, chantiers stoppés: pour de nombreuses PME françaises, l'activité tourne désormais au ralenti, lorsqu'elle n'est pas complètement rendue impossible par les grèves et les perturbations dans l'approvisionnement des carburants.
"C'est la pire grève que j'ai eu à subir", se désole Kara Mendjel, patron de la STAF, premier transporteur frigorifique d'Ile-de-France, qui emploie 350 personnes. "Avec les problèmes de circulation, nos chauffeurs arrivent en retard dans les magasins, ce qui énerve nos clients et crée un climat de tension".
Surtout, ce patron évoque les difficultés d'approvisionnement en gazole. "Pour être certain d'en avoir, on l'achète à des petits revendeurs", explique-t-il. "Mais leur prix est le nôtre, et on le paye 10% à 15% plus cher que la normale". Pour son entreprise, les conséquences financières sont encore difficiles à évaluer, mais réelles.
Dans certaines régions, la situation est encore plus délicate. Dans la zone industrielle nord d'Amiens (Picardie), des barrages filtrants interdisent le passage aux véhicules transportant des marchandises.
"On autorise les salariés à aller travailler pour qu'ils continuent à être payés, mais on interdit toute livraison!", regrette Jean-Luc Demange, à la tête d'une PME de 25 personnes, qui externalise du traitement de courrier.
Conséquence: "hormis le service comptabilité, l'activité est au point mort", raconte ce patron, qui a demandé à ses employés de poser des congés ou des RTT. "Sur le mois, j'ai perdu jusqu'ici deux journées de travail, ce qui équivaut à environ 10% du chiffre d'affaires de l'entreprise".
"Déjà trois jours de pertes !", déplore Hubert Callec, dirigeant d'une société de bâtiment-travaux publics à Amiens. Pour ce chef d'entreprise, le blocage des grévistes dans la zone industrielle équivaut à une "baisse de la production, donc de la rentabilité". "Plusieurs chantiers sont perturbés, voire complètement arrêtés".
Le patronat se dit "inquiet". "De nombreuses entreprises sont obligées de réorganiser complètement leur fonctionnement", selon le secrétaire général de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), Jean-Eudes du Mesnil du Buisson.
"Par exemple, les commerciaux, privés d'essence, travaillent désormais au siège de leur société". "Certaines entreprises du bâtiment commencent à penser au chômage technique", ajoute-t-il.
L'heure est grave, estime la CGPME. Car les PME, ébranlées par la crise, ont encore une trésorerie fragile, fait valoir M. du Mesnil. "Celles qui perdent aujourd'hui du chiffre d'affaires ou dont l'activité est bloquée pourraient rester au bord de la route", prévient-il.
Dans certains secteurs, comme restauration et hôtellerie ou commerce de détail, le chiffre d'affaires perdu le jour de grève n'est pas rattrapé le lendemain. "On ne rattrape jamais totalement, car les clients qui n'ont pas été livrés restent mécontents", souligne Laurent Richaud, président du groupe Garandeau, fournisseur de béton et granulat en Charente.
Toutefois, pour ce dirigeant, le plus dur est passé: "les dépôts bloqués en début de semaine dans la région ne le sont plus et nos camions peuvent de nouveau transporter les marchandises".
"Je comprends les moyens de pression", assure-t-il. "Ca m'agace qu'on empêche les entreprises de travailler".