Des manifestations très importantes, mais moins suivies que le 12 octobre, ont eu lieu partout en France samedi contre la réforme des retraites, sur fond de durcissement du conflit et de menace de pénurie de carburants.
La traditionnelle polémique sur le nombre de participants n'a pas fait défaut pour cette cinquième journée de mobilisation depuis la rentrée, à quatre jours de l'adoption du texte par le Sénat.
Le ministère de l'Intérieur a décompté 825.000 manifestants, "plus bas niveau" depuis le début du mouvement contre les retraites, le 7 septembre, tandis que la CGT en a annoncé près de 3 millions.
A Paris, le syndicat a relevé 310.000 manifestants, autant que le 2 octobre, précédente journée organisée un samedi, et la préfecture 50.000, soit 13.000 de moins. Très forte divergence aussi pour Marseille (entre 16.400 et 180.000) ou Bordeaux (13.500 à 130.000).
Le ministre du Travail Eric Woerth a relevé que malgré "une baisse significative", il y "a encore beaucoup de manifestants". Le gouvernement "est très attentif au message délivré" par les manifestants mais il "poursuit son projet", a renchéri son collègue chargé des relations avec le Parlement, Henri de Raincourt.
Les syndicats, eux, considèrent cette journée comme un succès. "La lassitude n'existe pas dans la tête des gens, au contraire", a estimé François Chérèque.
"Le seul blocage réel dans notre pays ce soir (...) c'est le blocage du gouvernement sur le dialogue", a déclaré le numéro un de la CFDT, demandant la suspension du débat au Sénat, ce qu'il estime être une "proposition de bon sens".
Son homologue de la CGT Bernard Thibault assure que le mouvement "s'élargit": "On va aller aussi loin qu'il le faut et continuer aussi longtemps qu'il le faut".
"Cela augure d'une mobilisation encore plus forte" pour la journée d'action de mardi prochain, selon Jean-Claude Mailly (FO), qui a prévenu: "Ce n'est pas parce qu'une réforme est votée qu'elle s'applique".
L'arrêt de dix des douze raffineries françaises, toutes en grève, a fait planer le risque d'une pénurie de kérosène à l'aéroport de Roissy, mais l'oléoduc livrant l'aéroport a finalement été remis en service.
Le gouvernement a assuré qu'il n'y aurait aucun problème d'approvisionnement des stations-service jusqu'au "début novembre", ce qui n'a pas empêché les automobilistes de se ruer sur les pompes. Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, en a appelé à la "responsabilité" des "grévistes".
La présence des lycéens dans les cortèges a été relativement discrète. Ils étaient 25.000 à Paris selon l'UNEF. Leur irruption dans le mouvement avait fait craindre la répétition des incidents des dernières 48 heures.
Aucun débordement notable n'a été signalé sauf à Paris où quelque 200 militants anarchistes ont brisé des vitrines. Une trentaine ont été interpellés. A Saint-Nazaire, des jeunes ont été repoussés par des tirs de gaz lacrymogène.
La détermination à poursuivre le mouvement ne paraît pas faiblir chez les manifestants. "Il faut aller jusqu'au bout, rester ferme et continuer avec des modes d'action différents", a affirmé à Bordeaux Daniel Daumières, 54 ans, animateur socio-culturel.
"S'ils repoussent comme ça l'âge de la retraite, ils vont nous enterrer vivants. Maintenant, c'est métro, boulot, caveau", maugréait à Toulouse Raoul Bourbon, 56 ans, licencié de Molex.
Si la grève reconductible n'a pas pris dans les transports, le transport routier pourrait être touché à partir de lundi par des arrêts de travail. "Je sens une impatience, les gars disent +il faut y aller+", a déclaré Maxime Dumont, du syndicat CFDT, majoritaire.