par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Une semaine après la publication de confidences de François Hollande qui ont sidéré son camp, le désarroi s'est manifesté sans détour mardi au Parti socialiste, où l'on hésite ouvertement à soutenir le chef de l'Etat en vue des échéances de 2017.
De nombreux élus, qui évoquent l'hypothèse d'un recours à Manuel Valls, réclament des explications au président, resté discret depuis la parution de l'ouvrage "Un président ne devrait pas dire ça" contenant des propos jugés désinvoltes par les plus cléments, politiquement suicidaires par d'autres.
"C'est une évidence que ce livre n'a pas été compris et qu'il faut désormais que le président s'en explique", a estimé mardi le député Olivier Faure avant la réunion hebdomadaire du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.
Ce dernier refuse de signer un "chèque en blanc" sous la forme d'un appel en faveur du président, candidat de moins en moins naturel de son camp.
"N'inversons pas les choses à chaque fois. Le soutien vient après les propositions", a encore dit le député, longtemps directeur adjoint du cabinet de François Hollande à l'époque où celui-ci dirigeait le Parti socialiste, puis cheville ouvrière de son équipe de campagne en 2011 et 2012.
Des parlementaires et des élus locaux devaient signer avant la fin du mois d'octobre un texte de soutien, conçu comme un marchepied vers une candidature à la primaire de janvier. L'initiative n'est plus à l'ordre du jour.
"LA RÉPONSE DANS LE TITRE"
"Il ne vous a pas semblé que la donne avait un peu changé, là, ces derniers temps, et qu'effectivement ça mérite un peu de réflexion et de recul ?", a répondu le député de Vendée Hugues Fourage aux journalistes qui l'interrogeaient à ce sujet.
Dans l'ouvrage paru la semaine dernière, François Hollande qualifie, selon des propos rapportés par deux journalistes, les footballeurs de "gosses mal éduqués", traite la magistrature d'"institution de lâcheté" et juge l'immigration trop massive.
Le chef de l'Etat a depuis exprimé ses "regrets" auprès des magistrats et dit entendre, dans une interview au groupe Ebra, les "doutes" soulevés par la publication du livre.
Insuffisant pour résorber les lézardes apparues jusqu'au sommet de l'édifice socialiste: Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti, a parlé d'un livre "ni fait ni à faire" et Claude Bartolone, président de l'Assemblée, s'est interrogé sur la volonté de François Hollande de postuler à sa succession.
Au sein même du gouvernement, on ne cache pas sa stupéfaction.
"'Un président ne devrait pas dire ca'. Vous avez la réponse dans le titre. C'est peut-être la seule chose intéressante du livre", a jugé encore mardi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, devant la presse diplomatique.
"VALLS PEUT SE POSER LA QUESTION"
"Beaucoup d'entre nous ont beaucoup d'affection, de respect pour le président de la République. Les choses sont compliquées. On est dans une situation humaine qui n'est pas simple du tout", a quant à lui déclaré le député PS Patrick Mennucci avant de se rendre à la réunion de son groupe.
"Mais pour moi et pour beaucoup d'autres, ce qui va compter dans les mois qui viennent, c'est le maintien de l'existence de la social-démocratie dans ce pays", a ajouté l'élu des Bouches-du-Rhône.
Autrement dit, la question d'une candidature de François Hollande passe après.
Interrogé sur l'hypothèse Manuel Valls, le député a répondu ne pas connaître les intentions du Premier ministre, avant d'ajouter, sans citer de noms: "Mais il y en a plein d'autres qui peuvent être candidats."
Les anciens ministres de l'Economie Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg ont pris leurs marques, avec un certain succès dans les sondages d'opinion.
L'éventualité d'un recours au chef du gouvernement, venu s'exprimer mardi devant les députés du PS, prend également corps, à en croire les commentaires distillés par certains élus.
"Valls peut se poser la question d'une candidature à la présidentielle si Hollande ne se présente pas", a dit mardi Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, sur Radio Classique.
Les plus légitimistes ne retirent pas leur soutien au chef de l'Etat mais le pressent d'accélérer le calendrier pour éviter que les doutes ne continuent de se propager.
Dans l'interview aux quotidiens du groupe Ebra parue lundi, François Hollande a réaffirmé son intention de se dévoiler seulement en décembre.
(avec Elizabeth Pineau, Jean-Baptiste Vey et John Irish, édité par Yves Clarisse)