par Cyril Camu
PARIS (Reuters) - Le gouvernement a exclu mercredi une démission du ministre de la Cohésion du territoire, Richard Ferrand, au lendemain de révélations du Canard enchaîné sur ses anciennes activités professionnelles et l'emploi dont a bénéficié son fils.
"Il y a un parquet financier qui dit qu'il n'y a pas d'affaire", a déclaré sur franceinfo ce proche du président Emmanuel Macron, ajoutant qu'il ne se sentait pas un "maillon faible" du gouvernement d'Edouard Philippe.
A la sortie du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a exclu une démission de Richard Ferrand.
"La question [de sa démission] ne s’est pas posée, donc évidemment ce sujet n'a pas été abordé en conseil des ministres", a déclaré Christophe Castaner.
Richard Ferrand a dirigé les Mutuelles de Bretagne entre 1990 et 2012. Depuis 2011, l'entreprise loue des locaux à Brest à une société appartenant à sa compagne, rapporte le Canard enchaîné dans son édition datée de ce mercredi.
"La probité du ministre n'est en rien remise en cause, et il ne saurait donc être question de sa démission", a ajouté le porte-parole, rejetant la demande faite par Marine Le Pen.
La présidente du Front national, évoquant un "enrichissement personnel parfaitement immoral", avait réclamé la démission du ministre de la Cohésion du territoire, nommé mercredi dernier.
"Cette affaire est très proche de (celle touchant) François Fillon", a-t-elle indiqué dans l'émission "Questions d'info" (franceinfo-LCP-Le Monde-AFP) en allusion à la mise en examen du candidat de la droite à l'élection présidentielle empêtré dans une affaire d'emplois présumés fictifs.
AUCUNE LOI ENFREINTE
Le Canard enchaîné révèle aussi que le nouveau ministre a employé, en 2014, son fils de 23 ans à l'époque comme collaborateur parlementaire.
"Si c'était à refaire, je ne le referais pas", a réagi Richard Ferrand sur franceinfo, évoquant un "coup de main". "Aujourd'hui, il y a un rejet total de l'idée qu'un parlementaire puisse embaucher un de ses proches."
Les Républicains ont annoncé pour leur part leur intention de saisir le procureur de la République et le procureur national financier "au regard d'informations concernant les agissements de M. Richard Ferrand et de ses proches".
"Il se doit d'être relevé que ceux-ci sont d'une gravité certaine et pourraient revêtir plusieurs qualifications pénales", écrit le secrétaire général des Républicains, Bernard Accoyer, dans un communiqué.
Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a demandé de son côté que le Premier ministre et le ministre de la Justice s'expriment sur le sujet.
"Nous soutenons également la loi sur la transparence, encore faudrait-il qu’elle soit appliquée à Richard Ferrand", a-t-il dit sur Radio Classique, "je demande à ce propos que le Premier ministre et le Garde des sceaux s’expriment à ce sujet."
Ces révélations interviennent alors que le ministre de la Justice, François Bayrou, a entamé des consultations en vue de présenter une loi de moralisation de la vie publique en conseil des ministres avant les législatives des 11 et 18 juin.
"ÇA TOMBE MAL"
"Ça tombe mal", a reconnu mercredi matin Christophe Castaner, sur Europe 1.
Benjamin Griveaux, porte-parole de LREM, dont Richard Ferrand a été le secrétaire général, estime que le ministre n'a enfreint "aucune" loi, faisant écho à la réaction, mardi, des services du Premier ministre..
"On est dans le cadre d'une entreprise privée, il n'y a pas d'argent public qui est en jeu", a-t-il dit sur franceinfo, interrogé sur la concordance entre cette affaire et la loi prévue par le ministre de la Justice, François Bayrou.
Richard Ferrand a dénoncé dans un communiqué publié dans la nuit de mardi à mercredi "des dénonciations calomnieuses".
"Cette décision a été prise dans la pleine connaissance des liens qui unissaient Richard Ferrand et la propriétaire des locaux, dans le respect de toutes les règles en vigueur par le Conseil d’administration, seul décisionnaire, et dont Richard Ferrand n’a jamais été membre", déclare le ministre, mettant en avant que le loyer proposé par l'entreprise de sa compagne était inférieur au prix du marché.
L'actuel président des Mutuelles de Bretagne, Rémi Salaün, a apporté son soutien au ministre, insistant, dans une lettre adressée au directeur de l'hebdomadaire satirique, sur le fait que Richard Ferrand a "pris une large part au redressement de [l'] Union mutualiste".
(avec Simon Carraud et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)