Le patron de la BCE, Mario Draghi, va s'efforcer jeudi de rassurer les marchés après leur avoir donné des sueurs froides fin juin en induisant une fin prématurée de l'argent très bon marché en zone euro.
"La BCE va essayer de calmer les marchés en ne modifiant pas de façon significative l'orientation future" de la politique monétaire lors de son conseil des gouverneurs de jeudi, prédit l'économiste Holger Schmieding, de la banque Berenberg.
Depuis 2015, la Banque centrale européenne a ramené ses taux directeurs à leur plus bas niveau historique et commencé à inonder le marché de liquidités, en rachetant chaque mois des dizaines de milliards d'euros de dette publique et privée.
Cela a permis de soutenir la croissance économique de la zone euro et de refouler le spectre de la déflation, qui menaçait en 2014.
Même si la BCE avait déjà commencé lors de sa dernière réunion en juin à préparer en douceur les esprits à un virage futur de sa politique très accommodante, le patron de l'institution monétaire avait provoqué une mini-vague de panique à la fin du même mois.
"Au fur et à mesure que l'économie continuera de se redresser (...) la banque centrale pourra accompagner la reprise en ajustant les paramètres de ses instruments de politique", avait déclaré l'Italien lors d'un séminaire à Sintra, au Portugal.
Les investisseurs avaient interprété cette phrase comme le signe annonciateur d'un resserrement plus rapide qu'envisagé jusqu'ici de la politique monétaire européenne, d'autant plus qu'il avait de nouveau jugé désormais bannie toute menace de déflation. Plusieurs gouverneurs avaient tenté de dédramatiser dans la foulée.
- "Acrobaties verbales" -
Avec une reprise économique plus ferme en zone euro, la BCE cherche un moyen de "normaliser" sa politique, une démarche déjà entamée outre-atlantique par son homologue, la Réserve fédérale (Fed).
Mais avec une inflation à 1,3% seulement, confirmée lundi, la BCE est loin d'avoir atteint son objectif de stabilité des prix, fixé à un peu moins de 2% sur le moyen terme.
Or la mission première de l'institution européenne est d'atteindre cette cible, tandis que la Fed a aussi des objectifs en matière d'emploi et de conjoncture.
Les gardiens de l'euro doivent donc préparer à un durcissement progressif de leur politique ("tapering") en concentrant leurs arguments sur la situation économique, ce qui n'est pas habituel pour eux. Le tout sans brusquer des marchés financiers sujets aux réactions épidermiques.
"Un acte d’équilibriste qui requiert toutes les qualités d'acrobate verbal de Draghi", estime Carsten Brzeski, économiste d'ING-Diba.
-Rendez-vous en septembre-
Pour la plupart des économistes, la BCE attendra sa réunion du mois de septembre avant d'en dévoiler plus sur ses intentions concernant le programme d'achats de dette ("QE"), qui court jusqu'à la fin de l'année. Chaque mois elle en acquiert pour 60 milliards d'euros.
"Nous prévoyons une réduction du rythme des achats de 10 milliards d'euros par mois à partir de janvier 2018, avec une fin programmée des achats à la fin juin", indique Jennifer McKeown, de Capital Economics.
Les économistes n'attendent en revanche aucun mouvement sur les taux avant très longtemps. Le principal taux est à zéro et celui sur les dépôts à -0,40%.
La BCE a déjà indiqué qu'un durcissement des conditions du crédit n'interviendrait que bien après la fin des achats de dette.
D'autres banques centrales ont laissé passer six mois après la fin du programme de QE avant de relever leur taux, ce qui suggère que le BCE ne toucherait pas aux siens avant la fin 2018.