TOULON, Var (Reuters) - Les drones de surveillance de l'armée française seront armés de missiles sol-air, a annoncé mardi Florence Parly, qui tranche ainsi un débat de longue date sur l'engagement militaire de la France sur les théâtres extérieurs.
La ministre des Armées, qui s'exprimait en clôture de la 15e université d'été de la Défense à Toulon (Var), a assuré qu'avec cet équipement, le risque de dégâts collatéraux serait limité.
"A l’extérieur de nos frontières, l’adversaire se fait plus furtif, plus mobile, se dilue dans les vastes étendues du Sahel ou se dissimule au milieu des populations civiles. Face à ce constat, nous ne pouvons rester statiques", a plaidé la ministre.
"Nos modes d’action et nos équipements doivent s’adapter pour garder le temps d’avance qui est décisif pour atteindre nos objectifs", a-t-elle ajouté.
La France dispose actuellement de six drones de surveillance Male Reaper, achetés aux Etats-Unis, dont cinq sont basés à Niamey, au Niger, dans le cadre de l'opération Barkhane et un au sein de l'escadron de drones 1/33 Belfort de Cognac (Charente).
Six autres drones directement armés, fabriqués par General Atomics, seront livrés d'ici fin 2019.
Le type d'armement des six drones déjà en service sera déterminé dans le courant de l'année prochaine et leur armement sera effectif en 2020, dit-on dans l'entourage de la ministre.
"A moyen terme, le futur drone européen, dont nous réalisons les études en coopération avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, sera également doté d’armements", a précisé Florence Parly. Une première livraison est attendue à l'horizon 2025.
"A l’avenir, avec la décision que j’annonce aujourd’hui, les drones armés permettront d’allier en permanence la surveillance, l’endurance dans la discrétion et la capacité de frappe, au moment le plus opportun", a-t-elle expliqué.
"Ainsi, nous gagnons en efficacité et nous limitons le risque de dégâts collatéraux", a-t-elle souligné.
"Je veux par avance réfuter de possibles amalgames et dissiper d’éventuelles craintes. Non, un drone armé n’est pas un robot tueur. Ce sont deux systèmes qui n’ont rien de semblable", a-t-elle poursuivi.
"PRESSION CONSTANTE"
"Cette décision ne change rien aux règles d’usage de la force, au respect du droit des conflits armés et je reste plus que jamais attachée au respect du droit international et de nos engagements relatifs à la maîtrise des armements et à la préservation des populations civiles dans les conflits."
Les Etats-Unis, Israël, précurseurs dans ce domaine, la Grande-Bretagne, l'Italie, notamment, disposent déjà de drones armés.
Dans un rapport publié en mai dernier, les sénateurs Cédric Perrin (Les Républicains) et Gilbert Roger (PS) préconisaient l'armement des drones, "une étape logique supplémentaire" dans la boucle décisionnelle des frappes aériennes.
"Ils pourraient ainsi dans certains cas faire économiser un temps précieux pour neutraliser une cible très mobile ou dégager des troupes d’une embuscade", écrivaient-ils.
"La France ne saurait passer à côté sous peine de se voir déclassée", a plaidé mardi Florence Parly, répondant ainsi à une demande des militaires.
"Les drones qui vont être armés d'ici quelques années ne vont pas voler au hasard de grandes étendues et tirer des missiles de manière aléatoire : l'homme reste au centre de la boucle", fait-on valoir dans l'entourage de la ministre.
Fin juillet dernier, sur la base française de Niamey, plusieurs officiers, pilotes, avaient insisté auprès de Reuters, sous le sceau de l'anonymat, sur la nécessité d'armer les drones de renseignement pour un traitement rapide et efficace de cibles "fugaces" dans la lutte contre les groupes armés djihadistes au Mali.
Ils expliquaient en outre que les avions de chasse et hélicoptères pourraient ainsi être mobilisés pour d'autres missions, plus exigeantes.
"Un drone armé permet de mettre une pression constante sur les terroristes que nous combattons : c'est endurant, silencieux et quasiment invisible à l'oeil nu", dit-on dans l'entourage de Florence Parly.
Les munitions utilisées sur les Male Reaper américains sont des bombes de 250 kilos et des missiles Hellfire d'une portée de 8 à 10 kilomètres.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)