Le monde du cinéma français a poussé un "ouf" de soulagement vendredi après la décision du Conseil constitutionnel de retoquer la taxe versée par les chaînes de télévision pour financer la création, mais en laissant jusqu'à juillet 2018 au gouvernement pour sécuriser ce soutien essentiel au 7e art.
L'enjeu était de taille: des chaînes de télévision réclamaient le remboursement de plus de 500 millions d'euros au Centre national du cinéma (CNC), dont le soutien au cinéma et à l'audiovisuel s'est élevé à 785 millions en 2016.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité, suite à un recours d'une filiale du groupe M6, EDI TV, concernant l'assiette de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision. Cette taxe repose sur les recettes publicitaires des chaînes. Elle "contribue au budget du CNC à hauteur d’environ 290 millions d'euros par an", rappelle ce dernier.
Or, EDI TV avait plaidé que cette assiette, en incluant les sommes perçues par les régies, qui ne sont pas forcément récupérées au bout du compte par les chaînes de télévision, était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
Un argument validé par le Conseil constitutionnel, qui a jugé que "le législateur a méconnu les exigences" posées par l'article 13 de la Déclaration de 1789, à savoir que les impôts doivent être répartis entre les citoyens "en raison de leurs facultés".
Le Conseil constitutionnel a donc déclaré contraire à la Constitution la mention des régies publicitaires et de parrainage dans la définition de l'assiette de la taxe.
- "Rééquilibrer" la taxation -
Mais, point crucial pour le CNC, le Conseil constitutionnel n'a pas ordonné l'arrêt immédiat du versement de cette taxe, et a rejeté les demandes de remboursement a posteriori de cette taxe.
Il a reporté "au 1er juillet 2018 la date de prise d'effet" de sa déclaration d’inconstitutionnalité, "afin de permettre au législateur (d'en) tirer les conséquences". D'ici là, "la taxe continuera donc à être prélevée", précise l'instance.
Le ministère de la Culture a immédiatement fait savoir que le gouvernement ferait le nécessaire pour que le budget du CNC ne soit pas affecté. Une mesure de sécurisation de la taxe "sera présentée dans le projet de loi de finances rectificative déposé mi-novembre".
Le CNC a salué le délai accordé par le Conseil constitutionnel.
Des associations d'auteurs, de réalisateurs et de scénaristes, dont l'ARP et la SCAM, se sont également félicitées de cette décision et ont appelé "les pouvoirs publics à sécuriser les montants déjà perçus par le CNC". L'Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) et le syndicat des films d'animation (SPFA) ont demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, toute comme la fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui représente les exploitants de salle.
Le système français prévoit que les salles de cinéma, les chaînes de télévision, la vidéo et la vidéo à la demande financent la création des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles via des taxes. Les chaînes de télévision ont aussi l'obligation de consacrer un pourcentage de leur chiffre d'achat au pré-achat de films.
Au-delà de la question de la taxe attaquée, les chaînes demandent de revoir les sources de financement du cinéma, avec le développement des plateformes de vidéo en ligne comme Netflix (NASDAQ:NFLX) et Amazon (NASDAQ:AMZN), qui ne sont pas intégrées dans cet écosystème.
Le groupe M6 espère ainsi que le délai accordé jusqu'à juillet 2018 "soit mis à profit pour rééquilibrer la taxation entre les acteurs historiques du secteur et les nouveaux opérateurs, essentiellement internationaux", pour "tenir compte des évolutions concurrentielles considérables auxquelles les chaînes de télévision généralistes sont confrontées".