Le vote de mardi sur l'ensemble du projet de budget pour 2015 est apparu comme un bis repetita à l'Assemblée nationale, entre une majorité peu enthousiaste sur la quête de 21 milliards d'euros d'économies et une opposition critique de nouvelles hausses d'impôts.
Malgré les abstentions de 37 socialistes et de la large majorité des écologistes, mais aussi les suffrages hostiles du Front de gauche et de la droite, le gouvernement a obtenu une majorité étroite mais suffisante de 266 voix contre 247 pour faire passer son texte en première lecture.
Saluant ce vote, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert a souligné que "personne n'a fait de guérilla, ni la droite ni les frondeurs" et que le gouvernement n'a pas eu besoin des armes de la Constitution.
Ce résultat est "un non-événement, l'assurance que ça passera toujours, même si chaque fois on essaie de réduire l'écart" entre les pour et les abstentions PS, a-t-on commenté dans l'entourage de Manuel Valls.
Mais "comment une telle majorité pourrait-elle tenir encore 2 ans 1/2?", a tweeté l'UMP Philippe Gosselin.
Sur les économies, dont un peu plus de la moitié figure dans ce texte (le reste dans la Sécurité sociale), le gouvernement a martelé qu'elles n'étaient pas aveugles et préservaient les priorités, comme l'Education.
Les députés ont obtenu environ 800 millions d'euros de crédits supplémentaires, par exemple pour une rallonge d'emplois aidés ou un soutien à l'investissement des collectivités locales, compensés par autant d'économies.
Construit sur l'hypothèse d'une croissance de 1% (après 0,4% cette année), le budget prévoit un déficit public en légère baisse, à 4,3% du PIB (contre 4,4% cette année), alors qu'initialement il devait consacrer le retour sous la fameuse barre européenne des 3%.
La contestation par des socialistes d'une politique économique jugée trop favorable aux entreprises et pas assez aux ménages ou aux investissements publics s'est traduite par 37 abstentions, dont celles des ex-ministres Delphine Batho, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti. Soit deux de moins qu'il y a près d'un mois sur le volet "recettes".
- 'Ne pas lâcher le morceau' -
Même si "tout n'est pas à rejeter dans ce que propose le gouvernement", a observé Pascal Cherki, de l'aile gauche du PS, "on ne va pas lâcher le morceau", car il faut défendre "d'autres choix" et permettre que "l'expérience de la gauche au pouvoir soit réussie" d'ici 2017.
Sur un texte marquant l'appartenance à la majorité, la quasi-totalité des députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, à majorité radicale de gauche, a confirmé son "soutien politique". Mais avec "un enthousiasme budgétaire limité" et quelques coups de griffe de son président Roger-Gérard Schwartzenberg, notamment sur le CICE, ses effets d'aubaine et rares contreparties.
Les écologistes ont reconnu des "avancées", par exemple pour les transports franciliens, mais déploré l'"absence de changement de cap, avec une forme de sacralisation des aides aux entreprises" et "peu de cas fait de l'écologie".
Le Front de gauche a déploré l'"obsession de baisse des dépenses publiques" et l'"austérité" animant un gouvernement qui, "privé de majorité, tourne en rond". "L'exigence d'une autre politique grandit dans ce pays et cet hémicycle", selon le communiste André Chassaigne.
A droite, l'UMP et l'UDI reprochent de nouvelles augmentations de taxes et impôts, notamment pour les classes moyennes, l'absence de réformes (retraites, etc) pour dégager de "vraies économies", un nouveau dérapage des déficits et une "mise sous tutelle" de Bruxelles. "Constat d'échec", a lancé Hervé Mariton, Charles de Courson déplorant un "renoncement".
Au-delà des critiques sur diverses taxes (hausse de trois euros de la redevance, de deux centimes du litre de gazole), la droite martèle qu'elle ne croit pas à la promesse de François Hollande de ne pas recourir à l'avenir à des impôts supplémentaires après ce qu'elle considère comme "un couac" du secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert.
Le gouvernement "continue dans les discours sans les actes", a lancé le nouveau président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde.
Une fois terminées les navettes entre Assemblée et Sénat, le vote final du Parlement est prévu autour du 20 décembre. D'ici là, la Commission européenne, qui ne croit pas que la France tiendra ses objectifs, donnera un avis définitif sur le budget.
Par souci d'éviter une sanction, Paris a dégainé des "mesures nouvelles" pour réduire le déficit de 3,6 milliards en 2015.