La paix des braves entre LVMH et Hermès, qui sera entérinée mardi lors d'une assemblée générale de LVMH après l'accord de conciliation inespéré conclu entre les deux parties sous égide d'un médiateur, ouvre une période floue, notamment pour Hermès.
Après quatre ans de guerre sur tous les fronts contre LVMH, le fabricant des sacs Kelly et Birkin et des célèbres carrés de soie peut savourer le large désengagement prévu de son capital du numéro un mondial du luxe, propriétaire de Louis Vuitton.
Il le réclamait haut et fort depuis l'intrusion de LVMH en 2010. Ce sera bientôt fait et Hermès pourra se concentrer exclusivement sur sa stratégie de croissance et de production.
Aux termes de l'accord négocié dans la plus grande discrétion cet été par le président du Tribunal de commerce de Paris Franck Gentin et annoncé le 3 septembre, LVMH va céder à ses actionnaires sa part de 23,2% dans Hermès sous forme de dividende en nature, et sortir ainsi entièrement du capital du sellier.
L'opération doit être entérinée mardi lors d'une assemblée générale extraordinaire à Paris.
Mais le retrait du milliardaire Bernard Arnault de Hermès n'est pas total, puisque le PDG de LVMH va conserver 8,5% du capital du fabricant des carrés de soie, via la holding patrimoniale Groupe Arnault. Voire un peu plus puisqu'il a racheté plus de 11 millions d'actions Christian Dior depuis la fin de l'été, ce qui en vertu des montages de participations de l'empire Arnault lui permettra d'avoir davantage de titres Hermès - Christian Dior étant le premier actionnaire de LVMH.
En Bourse, le flottant de Hermès devrait passer de 7% à 22% d'ici septembre 2015, note Arnaud Cadart, analyste chez CM-CIC Securities et spécialiste du secteur.
Pour Hermès, la période qui s'ouvre est techniquement un peu floue en raison de "l'afflux de papier" qui s'annonce sur le marché: la vente de très nombreux titres, susceptible de faire baisser le cours qui est l'un des plus forts de la Bourse de Paris et a clôturé à 261,45 euros (en hausse de 0,95%) vendredi soir.
Hermès se veut serein face à cette perspective et attend de voir qui conservera des titres, qui vendra, qui rachètera, et surtout dans quels volumes.
Le groupe a sans nul doute pris ses dispositions pour réagir si le titre devait plonger en Bourse, afin de soutenir le cours. La holding familiale H51, créée pour résister à la pression de LVMH, pourrait se mobiliser, tout comme des investisseurs institutionnels.
"Difficile de dire quelle sera la capacité du marché à absorber tous les titres Hermès qui vont circuler dans les prochains mois", commente l'analyste Arnaud Cadart.
- Toutes les plaintes d'Hermès retirées -
Des courtiers ont revu en baisse récemment leurs objectifs de cours sur Hermès, en raison du risque baissier post-distribution LVMH. D'autres au contraire ont relevé leur objectif, estimant que Hermès se distingue par l'extrême solidité de son modèle.
Pour Bernard Arnault, l'aventure LVMH dans Hermès est une défaite, mais elle se conclut sur une issue plus qu'honorable. Dans le camp LVMH, on se félicite d'un accord de sortie considéré comme très équilibré.
De fait, LVMH s'extrait du bourbier procédural dans lequel il était empêtré, visé par des plaintes de Hermès qui espérait rien de moins que faire annuler sa participation dans son capital, contestant les manoeuvres financières qui l'ont permise.
A ce jour, Hermès a retiré toutes ses plaintes contre LVMH, conformément à l'armistice conclu.
Le fardeau judiciaire pesait en raison de l'enjeu financier, mais aussi en termes d'image pour LVMH.
Alors que l'affaire suivait son cours auprès de la justice, M. Arnault, très concentré ces derniers mois sur l'ouverture fin octobre de la Fondation Vuitton d'art contemporain, ne pouvait pas risquer que le sujet gâche la fête de ce projet colossal, ultra-médiatisé et salué de toutes parts.
En outre, "cette histoire avec Hermès perturbait la nature du cours de LVMH, son +equity story+, parce qu'elle était impure", estime une source financière.
In fine, bien qu'il n'ait pas mis la main sur Hermès, LVMH aura réalisé en quelques années grâce à sa participation dans ce groupe une plus-value d'environ 3,8 milliards d'euros, dont un milliard ont déjà été digérés dans ses comptes. Un beau lot de consolation.
"Techniquement aujourd'hui, LVMH s'appauvrit puisqu'il cède ses titres à ses actionnaires", remarque M. Cadart.
Que pourrait faire LVMH désormais?
"Il ne va pas forcément se lancer dans des acquisitions", estime l'analyste, même si selon lui le groupe aurait probablement intérêt à investir dans les cosmétiques pour devenir aussi rentable en la matière que L'Oréal.
Dans l'entourage de LVMH, on indique que le groupe veut se concentrer sur la croissance de ses marques: notamment Berluti, qui élargit sa gamme de produits et ambitionne de devenir une référence du luxe masculin, ou encore le roi du cachemire italien Loro Piana, acquis en 2013 pour 2 milliards d'euros. Sans oublier la star Louis Vuitton, qui pèse 7,5 milliards d'euros, et est l'objet de toutes les attentions.