Le gendarme de la Bourse de Paris a annoncé vendredi qu'une enquête serait ouverte sur les conditions dans lesquelles s'est effectuée la montée du groupe de luxe LVMH au capital de son concurrent Hermès.
Le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Jean-Pierre Jouyet, a indiqué qu'"une enquête sera ouverte par ses services (...) sur les conditions dans lesquelles s'est faite cette entrée" de LVMH au capital d'Hermès.
L'examen de l'AMF portera également sur les mouvements en Bourse enregistrés par le titre Hermès dans les jours précédant l'annonce de LVMH, fin octobre, a précisé M. Jouyet, qui était interrogé sur RMC.
Dans les minutes qui ont suivi les déclarations de M. Jouyet, LVMH s'est félicité de cette annonce, estimant que l'enquête devrait prouver que son initiative avait en tous points respecté la réglementation boursière.
"LVMH est convaincu que cette enquête permettra en effet d'établir, comme il l'a toujours affirmé, et contrairement au procès d'intention que certains lui ont fait, qu'il a, au cours de ces opérations, scrupuleusement respecté la réglementation en vigueur", a indiqué un porte-parole du groupe.
Le numéro un mondial du luxe avait pris les marchés par surprise en révélant le 23 octobre qu'il avait accumulé sur plusieurs années une position de 17,1% au sein d'Hermès, alors que la réglementation française fait obligation de déclarer les franchissements des seuils de 5%, 10% et 15% du capital.
Il avait expliqué quelques jours plus tard qu'il avait réussi ce tour de passe-passe grâce à l'utilisation de produits dérivés.
Ces contrats stipulaient initialement un dénouement en espèces, ce qui dispensait LVMH de les déclarer. Mais les 21 et 24 octobre, des avenants ont été conclus permettant la livraison physique des titres. Avant son offensive, LVMH détenait déjà 4,9% du capital, non déclaré comme il en avait le droit.
M. Jouyet s'était déjà exprimé sur l'affaire, en reconnaissant que le stratagème utilisé par LVMH n'était pas en soi illégal au regard de la loi.
Dans un entretien publié mardi par le journal Les Echos, il avait rappelé qu'un rapport de l'AMF de 2008 préconisait que les instruments financiers utilisés, appelés "equity swaps", soient comptabilisés au même titre que les actions dans les calculs pour les franchissements de seuil.
"Cette proposition n'a pas été retenue dans la loi, c'est fort regrettable", avait alors indiqué M. Jouyet.
Il a réitéré vendredi sur RMC ses critiques.
"La réglementation est mal faite parce que vous pouvez contourner les seuils", a jugé M. Jouyet. "La réglementation française doit être au moins aussi sévère que celle d'autres pays européens (...). Trop souvent, la France reste le Far West en matière de prise de contrôle des sociétés, de dépassement de seuil". "Là il y a deux poids deux mesures et ce n'est pas normal".
"Toute sorte d'instrument qui permet d'acheter des actions d'une autre société doit être déclaré, je ne veux connaître aucune exception", a-t-il insisté.
Le titre LVMH restait insensible à cette nouvelle péripétie, gagnant quelques fractions à 119,45 euros (+0,21%) à 10h00, dans un marché à l'équilibre. En revanche, Hermès perdait 0,86%, à 155,55 euros.