par Tetsushi Kajimoto et Leika Kihara
TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a laissé mercredi sa politique monétaire inchangée, y compris le plafond de rendement des emprunts d'Etat japonais (JGB) à dix ans, allant à l'encontre des attentes du marché qui anticipait l'annonce d'un arrêt progressif de sa politique de relance massive sur fond de pressions inflationnistes croissantes.
Cette décision surprise a fait chuter le yen et les rendements obligataires nippons qui avaient profité des spéculations sur une révision de la politique de contrôle des taux de la banque centrale.
Pour sa première réunion de l'année, la BoJ a donc décidé à l'unanimité de maintenir l'objectif des taux à court terme à -0,1% et de contenir le rendement des obligations d'Etat à dix ans autour de zéro.
"L'incertitude concernant l'économie japonaise est très élevée. Il est nécessaire de soutenir l'économie par notre politique de relance, pour faire en sorte que les entreprises puissent augmenter les salaires", a déclaré le gouverneur de la banque centrale, Haruhiko Kuroda lors d'une conférence de presse.
L'institution n'a pas non plus modifié sa politique de contrôle de la courbe des taux (YCC), qui tolère une fluctuation de 50 points de base autour de 0% du rendement des emprunts d'Etat (JGB) à dix ans.
Au lieu de cela, la BoJ a mis au point un nouvel outil destiné à empêcher une trop forte hausse des taux à long terme.
"Cette mesure nous permettra de faire baisser les taux d'intérêt à long terme, sans affecter directement l'offre et la demande du marché des obligations d'Etat japonaises", a déclaré Haruhiko Kuroda. "Nous aimerions utiliser cet outil pour différentes maturités et de différentes manières".
Cette initiative fait suite à la décision prise le mois dernier par la banque centrale d'élargir la fourchette de fluctuation qu'elle tolère sur les rendements des emprunts d'Etat à dix ans, un ajustement qui, selon les analystes, n'a pas réussi à corriger les déséquilibres du marché dus à des achats massifs d'obligations.
En renforçant son principal outil d'intervention sur le marché, la BoJ met en évidence sa ferme détermination à défendre le plafond des rendements des obligations nippones.
"Démanteler le contrôle de la courbe des taux aurait rendu la BoJ encore plus vulnérable aux attaques du marché", a déclaré Izuru Kato, économiste en chef chez Totan Research.
"En montrant sa résolution à utiliser les outils du marché avec plus de souplesse, la BoJ veut indiquer aux marchés qu'elle ne procédera pas à de grands changements de politique tant que Haruhiko Kuroda sera à sa tête", a-t-il ajouté.
Le second mandat de cinq ans de Haruhiko Kuroda doit se terminer au mois d'avril, après une décennie passée aux commandes de la banque centrale au cours de laquelle celle-ci a mis en place une politique de relance massive mais sans parvenir à relancer durablement une consommation anémique.
Haruhiko Kuroda présidera sa dernière réunion de politique monétaire les 9 et 10 mars.
Sur les marchés, l'indice Nikkei a bondi de 2,5%, terminant à son plus haut niveau depuis un mois. Le yen perd 1,13% face au dollar tandis que le rendement du JGB à dix ans a perdu en séance jusqu'à 14 points de base à 0,36%.
A la différence de la plupart des grandes banques centrales dans le monde, qui ont tourné la page d'une politique de relance monétaire face à une inflation élevée, la Banque du Japon s'en tient à une stratégie accommodante malgré des signes d'une hausse des prix et des salaires dans l'archipel.
Dans un rapport trimestriel publié ce mercredi, la BoJ a relevé sa prévision d'inflation sous jacente pour l'année fiscale se terminant en mars à 3,0% contre 2,9% prévu en octobre.
Elle a également relevé sa prévision d'inflation pour l'exercice fiscal à fin mars 2024, à 1,8%, contre 1,6% auparavant.
Toutefois, la prévision d'inflation totale pour l'exercice 2023 a été maintenue à 1,6%.
En ce qui concerne la croissance, les projections ont été abaissées sur fond d'inquiétude sur le ralentissement économique mondial qui pourrait affecter l'économie japonaise, dépendante des exportations.
(Reportage Leika Kihara et Tetsushi Kajimoto; avec Kantaro Komiya et Daniel Leussink; version française Camille Raynaud et Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault)