par Giuseppe Fonte et Angelo Amante
ROME (Reuters) - L'accord trouvé par le gouvernement italien sur des objectifs budgétaires intégrant un déficit trois plus fois plus important que la trajectoire fixée par le précédent exécutif a placé l'Italie en porte à faux avec la Commission européenne et provoqué l'inquiétude des marchés financiers, qui redoutent de nouvelles tensions sur la dette publique.
La coalition formée par le Mouvement 5 Etoiles et la Ligue a forcé la main de son ministre de l'Economie, Giovanni Tria, dont les appels à la prudence budgétaire avaient rassuré les marchés, en s'entendant jeudi soir sur un objectif de déficit de 2,4% du produit intérieur brut dans son projet de budget pour 2019 et les deux années suivantes.
"Le gouvernement dans son ensemble s'est mis d'accord sur 2,4%, nous sommes satisfaits, c'est un budget de changement", ont déclaré Luigi Di Maio et Matteo Salvini, chefs de file du M5S et de la Ligue et vice-présidents du Conseil, dans un communiqué commun.
Cet accord reste dans la limite du plafond de 3,0% fixé par les règles européennes, mais le gouvernement précédent dirigé par le Parti démocrate (centre gauche) s'était engagé sur une réduction significative du déficit pour contenir sa dette élevée.
L'objectif pour 2019 était de 0,8%.
L'Italie est, des principales économies européennes, le pays le plus lourdement endetté, à hauteur de 130% de son PIB.
Sur un plan politique, l'accord fragilise Giovanni Tria. Dans les semaines de tension qui ont précédé cet accord, cet universitaire sans affiliation partisane avait prôné un objectif de 1,6%. Ses déclarations avaient rassuré les marchés financiers. Le président de la République italienne, Sergio Mattarella, l'a appelé jeudi pour lui demander ne pas démissionner, rapportent plusieurs quotidiens italiens.
L'accord trouvé jeudi soir, dégageant la voie à la première loi de finance de la coalition au pouvoir depuis le mois de juin, vise à financer les principales promesses de campagne. A commencer par le "revenu de citoyenneté" et la révision de la réforme de 2011 sur les retraites, révision qui permettrait aux Italiens de faire valoir plus tôt leurs droits à la retraite, marqueurs du M5S, et les baisses d'impôt promises par la Ligue.
COLLISION AVEC BRUXELLES
Dans la nuit, l'euro a glissé face au dollar.
A l'ouverture des marchés européens, vendredi matin, les rendements des emprunts de l'Etat italien - les taux auxquels l'Italie se finance - étaient en forte hausse et la Bourse de Milan a cédé du terrain en début de séance.
"Les Italiens semblent s'être placés sur une trajectoire de collision avec Bruxelles", a commenté Martin van Vliet, spécialiste des taux chez ING (AS:INGA).
A Bruxelles, un porte-parole de la Commission européenne s'est gardé de commenter la situation italienne, se bornant à indiquer que l'exécutif européen étudierait les projets budgétaires de tous les pays de la zone euro, Italie comprise, dans les semaines qui suivront leur présentation formelle, fixée au 15 octobre.
"Cela fait partie du processus normal dit du 'semestre européen', le cycle de coordination des politiques économiques de l'UE, et cela se produit chaque année", a-t-il dit.
Le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici, a critiqué pour sa part ce choix d'un budget "hors des clous" et appelé le gouvernement italien à donner la priorité à la réduction de la dette publique, qu'il a qualifiée d'"explosive".
"Faire de la relance quand on a une dette très élevée, ça finit par se retourner contre ceux qui le font", a-t-il prévenu sur BFM TV.
Le conseil des ministres italien, qui s'est achevé jeudi vers 23h00, n'a donné lieu à aucune communication sur les objectifs de croissance du PIB et d'endettement.
Sur Facebook (NASDAQ:FB), le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, écrit que cet accord est "raisonnable et courageux" et "garantira une croissance économique plus robuste et un progrès social significatif pour notre pays".
(avec Sophie Louet à Paris, Stephen Jewkes à Milan et Philip Blenkinsop à Bruxelles; Danielle Rouquié, Véronique Tison, Marc Angrand et Henri-Pierre André pour le service français)