par Balazs Koranyi et Francesco Canepa
FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a relevé une nouvelle fois ses taux d'intérêt jeudi et elle a modifié les modalités des prêts très avantageux accordés aux banques, amplifiant la normalisation de sa politique monétaire, qui devrait se poursuivre dans les mois à venir pour combattre l'inflation.
Craignant de voir la hausse des prix s'ancrer durablement dans l'ensemble de l'économie de la zone euro, la BCE relève les coûts du crédit à un rythme sans précédent.
Le taux de sa facilité de dépôt, relevé de trois quarts de point de pourcentage, est ainsi porté à 1,50%, son plus haut niveau depuis 2009, et sa hausse atteint 200 points de base depuis juillet. Le taux de refinancement est quant à lui relevé à 2,0% et le taux de sa facilité de prêt marginal à 2,25%.
"Avec ce troisième relèvement important consécutif des taux directeurs, le Conseil des gouverneurs a retiré une part substantielle du caractère accommodant de l'orientation de la politique monétaire", déclare la BCE dans un communiqué.
Elle ajoute que le Conseil des gouverneurs "prévoit de continuer à relever les taux d'intérêt directeurs, pour assurer le retour au plus tôt de l'inflation vers son objectif de 2% à moyen terme".
Lors d'une conférence de presse, sa présidente, Christine Lagarde, a déclaré que si la guerre en Ukraine et d'autres facteurs exposaient l'économie de la zone euro à un risque de dégradation de la conjoncture, les risques inflationnistes, eux, restaient orientés à la hausse.
"Les données disponibles sur les salaires et les récents accords salariaux montre que la croissance des salaires pourrait être en train de s'accélérer", a-t-elle ajouté, soulignant que la banque centrale surveillait attentivement les anticipations d'inflation à long terme.
Les marchés estiment que le rythme de la hausse des taux pourrait désormais ralentir puisque le taux de dépôt est attendu à 2% en décembre et que son pic pourrait avoisiner 3% courant 2023.
Interrogée sur l'inquiétude exprimée par des dirigeants politiques européens quant au risque de voir le resserrement de la politique monétaire précipiter la zone euro dans la récession, Christine Lagarde a répondu que la BCE devrait privilégier le respect de son mandat et elle a appelé les gouvernements à calibrer leur soutien aux ménages de manière à ne pas ajouter aux risques inflationnistes.
"Chacun doit faire son travail. Notre travail, c'est la stabilité des prix", a-t-elle résumé. "Nous devons faire ce que nous avons à faire. Une banque centrale doit se concentrer sur son mandat."
LES BANQUES INCITÉES À REMBOURSER PAR ANTICIPATION LA BCE
La BCE n'a pas encore donné d'indications sur la manière dont elle prévoit de réduire son bilan, qui représente quelque 8.800 milliards d'euros après des années d'achats de titres sur les marchés réalisés pour assurer des taux d'intérêt très faibles aux Etats et aux entreprises.
Les modalités de cette réduction devraient être arrêtées lors de la prochaine réunion, le 15 décembre.
Le Conseil des gouverneurs, comme attendu, a en revanche réduit l'aide qu'il apporte aux banques commerciales via ses "opérations de refinancement à plus long terme ciblées" ou TLTRO.
Une modification qu'il justifie par "l'accélération inattendue et exceptionnelle de l'inflation" et qui vise à ce que la hausse des taux directeurs se transmette plus efficacement à ceux des crédits bancaires.
Les taux d'intérêt des TLTRO seront donc indexés sur le taux directeurs à compter du 23 novembre, un changement qui devrait inciter les banques à rembourser en avance à la BCE au moins une partie de ces prêts à trois ans.
Les réserves placées par les banques auprès de la BCE seront par ailleurs rémunérés désormais au taux de dépôt et plus au taux de refinancement, plus élevé.
"Le fait de rendre les modalités des TLTRO plus onéreuses pour les banques traduit la volonté de commencer plus rapidement à réduire cette partie du bilan, notamment parce que le coût des intérêts payés sur les réserves des banques augmente", explique Charles Seville, directeur senior de Fitch Ratings.
La majeure partie des TLTRO, soit environ 1.500 milliards d'euros, arrivent à échéance en juin prochain.
En Bourse, l'indice Stoxx des banques de la zone euro a cédé du terrain après le communiqué de la BCE mais il est ensuite repassé en territoire positif et gagnait 0,17% vers 14h00 GMT.
Au même moment, l'indice large Stoxx 600 cédait 0,2% et le CAC 40 à Paris 0,51%.
Sur le marché obligataire, le rendement des obligations d'Etat allemandes à dix ans, référence pour l'ensemble de la zone euro, reculait alors à 2,028%, au plus bas depuis trois semaines, contre plus de 2,18% juste avant la publication du communiqué de la banque centrale.
L'euro cédait quant à lui 0,56% face au dollar à 1,0021 contre 1,005 avant les annonces du Conseil des gouverneurs.
(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa, version française Marc Angrand)