Face à la colère des éleveurs le gouvernement a voulu passer à la vitesse supérieure en promettant un plan d'urgence qui sera détaillé mercredi, sans parvenir à calmer la colère sur les barrages qui risque de s'étendre.
Un rapport d'un médiateur indépendant, très attendu par les producteurs de viande, a été remis mardi soir au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll mais ne sera rendu public que mercredi.
Le ministre s'est refusé à répartir les responsabilités dans la faiblesse actuelle des prix, bien inférieurs aux coûts de production, entre les industriels de l'abattage et de la transformation et les distributeurs.
"Il y a eu une présentation détaillée, on a fait bouger les lignes c'est déjà ça" a-t-il seulement lâché.
Le médiateur avait été désigné par le ministre à l'issue d'une table ronde de la filière bovine le 17 juin, pour faire la lumière sur le rôle exact de l'industrie et de la distribution.
- La pression demeure -
Dans l'attente des annonces, la FNSEA a refusé d'appeler à la levée des barrages et même prévenu qu'ils "pourraient s'étendre à d'autres régions mercredi", a confié à l'AFP son président Xavier Beulin.
"Ce que relève le médiateur c'est que la situation reste sur le territoire plutôt hétérogène" a-t-il rapporté, promettant que la "pression" sur les "industriels, coopératives, abatteurs et distributeurs va continuer à s'exercer".
Même déception chez Jean-Pierre Fleury, le président de la Fédération des éleveurs bovins (FNB) qui prévient, en attendant les mesures qui seront présentées mercredi, que "les éleveurs ne lâcheront pas tout simplement parce qu'ils sont en train de jouer leur peau".
Pour le moment, regrette-t-il, "on est sur un traitement de conjoncture alors qu'on est dans un mal structurel, avec des difficultés de compétitivité sur le marché".
M. Le Foll a estimé récemment que 10% des élevages, ou 22.000 exploitations, étaient au bord du gouffre. Leur endettement atteint un milliard d'euros cumulés selon la FNSEA.
Pourtant le gouvernement n'a pas ménagé sa peine jusqu'au sommet de l'Etat.
Mardi après-midi, le ministre de l'Agriculture s'est rendu inopinément à Caen pour y rencontrer les producteurs de lait de Normandie, premier bassin laitier, qui le réclamaient depuis dimanche.
Non concernés par le rapport du médiateur, ils se battent également pour une revalorisation du prix de leur travail de 3 à 4 centimes le litre, jusqu'à 330 ou 340 euros la tonne.
"Clairement", a jugé M. Le Foll devant les producteurs du principal bassin laitier de France, la filière est en crise: "302 à 304 euros la tonne, c'est insuffisant". Il a tenu à rassurer que l'élevage laitier n'était pas oublié par les autorités et annoncé "un recadrage des aides en faveur des exploitations les plus en difficulté".
A la mi-journée, le Premier ministre Manuel Valls avait réuni les ministres concernés à Matignon (Agriculture, Economie, Budget et Commerce extérieur) et avait appelé à "la responsabilité de chacun", appelant "industriels" et "grande distribution" à agir sur les prix pour soulager les producteurs.
- Sauver l'élevage -
Mais les éleveurs attendent plus: le patron des Jeunes Agriculteurs (JA), Thomas Diemer, veut "des annonces fortes sur l'endettement et une mise au pas des acteurs de la filière qui ont refusé de s'engager sur les hausses de prix".
"Des mesures d'urgence, c'est pas ça qui va sauver l'élevage", avait aussi mis en garde Samuel Bidert, secrétaire général adjoint de la FDSEA du Calvados.
Les atermoiements du ministre (qui au départ avait refusé d'aller à Caen) ont alimenté un tir nourri de critiques de l'opposition, tel Bruno Le Maire (Les Républicains) qui y a vu un signe de "mépris".
Et sur le front des barrages, ils se sont intensifiés dans l'ouest, de Caen à Saint-Malo et se sont étendus à d'autres régions, au sud-ouest vers la Grotte de Lascaux 2 notamment et au nord vers la Picardie.
Les éleveurs de Rhône-Alpes s'apprêtaient à leur tour à rejoindre le mouvement et annonçaient des barrages filtrants dans la Loire. Pour Jean-Pierre Royannez, président de la FRSEA Rhône-Alpes, la sécheresse vient de plus s'ajouter à la baisse des prix de la viande das la région.
"Les exploitations ont atteint un tel niveau de fragilité que les agriculteurs ne peuvent plus faire face. Avant on avait un peu de trésorerie pour nous aider à passer ces coups-là, mais plus maintenant car on n'a plus de bonnes années" explique-t-il.