par Phil Stewart, Warren Strobel et Matt Spetalnick
WASHINGTON/PARIS (Reuters) - Les attentats de Paris plaident pour une action militaire globale plus forte contre l'organisation Etat islamique (EI), que plus d'un an de frappes n'ont pas réussi à contenir et qui s'affirme de plus en plus comme une menace sur la scène internationale.
La pression politique monte en particulier sur les Etats-Unis, qui mènent une coalition internationale dont les raids aériens s'avèrent insuffisants pour affaiblir véritablement l'EI.
La revendication par l'organisation islamiste des attentats de vendredi à Paris, qui ont fait au moins 129 morts et ont été qualifiés d'acte de guerre par François Hollande, donnent des arguments aux partisans d'une réponse militaire plus puissante.
"La France, parce qu'elle a été agressée lâchement, honteusement, violemment, sera impitoyable à l'égard des barbares de Daech, elle agira avec tous les moyens dans le cadre du droit, avec tous les moyens qui conviennent et sur tous les terrains, intérieurs comme extérieurs, en concertation avec nos alliés qui eux-mêmes sont visés par cette menace terroriste", a dit le président français.
Le Premier ministre, Manuel Valls a précisé pour sa part que le gouvernement français demanderait au Parlement la permission de poursuivre les frappes contre l'Etat islamique en Syrie.
"Nous allons poursuivre dans les jours qui viennent cette action avec la volonté de toucher, d'anéantir Daech", a-t-il dit. "Nous répondrons au même niveau de cette attaque (...) et nous gagnerons cette guerre."
LES RÉTICENCES D'OBAMA
Selon des responsables américains, Washington compte pour sa part sur ses alliés européens et arabes pour s'impliquer davantage militairement dans le conflit en Irak et en Syrie.
Il reste cependant à voir si la France comme les Etats-Unis sont vraiment décidés à en faire davantage. François Hollande doit composer notamment avec un budget et des ressources militaires limités. Quant à Barack Obama, il a toujours exclu le déploiement de troupes américaines sur le sol du Proche-Orient, conscient des effets désastreux qu'une telle option pourrait avoir sur son opinion publique.
La stratégie du président américain, qui repose sur des frappes aériennes couplées à un soutien apporté à des troupes au sol en Irak et en Syrie, a cependant montré ses limites, estime la sénatrice démocrate Dianne Feinstein.
"Cela n'est pas suffisant pour protéger notre pays et nos alliés", dit-elle. "Le combat se répand rapidement hors d'Irak et de Syrie et c'est pour cela qu'il faut les confronter".
Pour Bruce Riedel, un ancien expert du Proche-Orient à la CIA qui a conseillé Barack Obama, la nature de la menace que représente l'EI a changé.
"Il y avait un débat sur l'Etat islamique entre ceux qui pensaient que l'organisation resterait concentrée sur un objectif régional et les autres", dit-il. "Ce débat n'a plus lieu d'être".
L'EI FRANCHIT UN SEUIL
En 10 jours, l'EI a effectivement franchi un seuil en revendiquant trois opérations meurtrières à l'extérieur de son territoire ; contre un avion russe dans le Sinaï, à Beyrouth et à Paris.
"Ca veut dire qu'on a affaire à une organisation qui a un service de renseignement et un service action capables de monter de véritables opérations militaires hors de ses bases (...) avec des jeunes qui ont assez de sang-froid pour manier des armes de guerre contre leurs compatriotes", estime le président de l'Observatoire international du terrorisme, Roland Jacquard, dans une interview accordée samedi à Reuters.
La France a déjà annoncé que le porte-avions Charles-de-Gaulle serait à nouveau mobilisé dans la lutte contre l'EI et les groupes djihadistes associés.
Le groupe aéronaval constitué en principe, en plus du porte-avions, d'une frégate de lutte anti-sous-marine, d'une frégate antiaérienne, d'un sous-marin nucléaire d'attaque, d'un pétrolier ravitailleur et d'un avion de patrouille, devrait arriver dans le Golfe le 18 novembre.
"Ce n'est plus qu'une question de jours avant que le porte-avions français ne soit en place pour lancer des frappes", déclare Martin Reardon, un ancien cadre du FBI devenu consultant. "Je crois que la France va en faire plus".
Aux Etats-Unis, la réponse militaire à apporter à la menace représentée par l'EI est devenue un argument de politique intérieure. Les candidats républicains à l'investiture républicaine mettent ainsi la pression sur Barack Obama, à commencer par Jeb Bush.
Selon l'ancien gouverneur de Floride, les combattants islamistes mènent "un effort organisé pour détruire la civilisation occidentale" et les Etats-Unis doivent prendre la tête de la riposte.
"C'est la guerre de notre temps", a dit Jeb Bush sur une radio américaine.
(Avec Emmanuel Jarry à Paris; Patrick Vignal pour le service français)