par Jean-Baptiste Vey
PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron et Angela Merkel signeront mardi à Aix-la-Chapelle un traité bilatéral pour accélérer la convergence franco-allemande et contribuer à l'approfondissement européen, dans un contexte international et communautaire bouleversé.
Ce traité, qui complètera celui signé en 1963 par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer pour sceller la réconciliation franco-allemande, intervient dans une période de frustration des défenseurs du projet européen, née de la timidité des réponses allemandes aux propositions du président français.
Alors que les coups portés par le président américain, Donald Trump, à la relation transatlantique, le Brexit, les poussées chinoise ou russe et la vigueur des forces nationalistes en Europe devraient selon eux inciter le couple à forger d'importantes avancées, Berlin a freiné les ambitions françaises à de multiples reprises depuis un an et demi.
Derniers exemples en date, le budget de la zone euro et la taxe sur les géants du numérique, où la France a dû revoir ses ambitions à la baisse faute d'enthousiasme outre-Rhin.
Le traité d'Aix-la-Chapelle, nom français de la ville allemande d'Aachen, proche de la frontière, affirme la volonté des deux pays de "faire converger leurs économies et leurs modèles sociaux" et de "rapprocher leurs sociétés".
CONVERGENCE PROGRESSIVE
La France et l'Allemagne s'y engagent à coordonner leurs positions européennes, à approfondir leur coopération en matière de politique étrangère et à faire converger leurs politiques de sécurité et de défense.
Le traité comprend une clause de défense mutuelle assurant le soutien d'un pays si l'autre est agressé et confirme leur volonté d'investir ensemble dans les armements, à l'image des projets d'avion de combat et de char, et de développer une approche commune pour l'exportation de ces équipements.
Paris et Berlin tenteront autant que possible de porter une position unifiée de l'Union européenne aux Nations Unies et affirment que l'admission de l'Allemagne comme membre permanent du Conseil de sécurité est une priorité de leur diplomatie.
Les deux pays disent vouloir transposer les directives européennes en même temps et de la façon la plus proche possible. Un accord entre l’Assemblée nationale et le Bundestag doit parallèlement permettre de coordonner leurs travaux et de créer une assemblée commune.
La France et l'Allemagne veulent davantage intégrer leurs économies pour instituer une "zone économique" dotée de règles communes. A cette fin, la convergence fiscale sera poursuivie, un conseil d'experts économiques commun sera constitué, ainsi qu'un comité transfrontalier pour faire converger les règles.
Une programmation de quelques grands projets pluriannuels sera établie, qui comprendra par exemple une reconversion de la région de Fessenheim (Haut-Rhin) et une plateforme numérique d'information commune.
FRUSTRATIONS
"Ce traité est évidemment un symbole important dans un contexte européen objectivement difficile", explique une source à l'Elysée.
Annoncé par Emmanuel Macron à la Sorbonne en septembre 2017, "le traité était censé accompagner les efforts franco-allemands de relance de l'Union européenne. Mais, un an et demi plus tard, on a le cadre mais le contenu manque un peu", souligne pour sa part le directeur du bureau de Paris du think-tank European Council on Foreign Relations (ECFR), Manuel Lafont Rapnouil, interrogé par Reuters.
Le traité est positif, insiste-t-il, "mais aujourd'hui, ce qu'on attend, c'est des initiatives qui permettent à l'Union européenne d'avancer. Il y en a eu, mais pas à la hauteur des défis qu'on voit peser sur l'Europe, qu'ils soient internes ou externes".
"C'est ce qui explique le degré de frustration - pas seulement de certains Français vis-à-vis des Allemands mais aussi de certains Allemands", ajoute-t-il, "et certains Européens sont un peu inquiets du peu de dynamique qui s'est mise en place".
Ce type de réserves est entendu à l'Elysée, où l'on confirme le désir d'Emmanuel Macron de réformer en profondeur l'Europe.
"On préfèrerait que les choses aillent plus vite", explique la source à l'Elysée. "Si vous regardez la situation européenne, il est évident qu'on a besoin d'une accélération."
"Ce traité et les accords qu'on a obtenus récemment avec l'Allemagne, sur la zone euro, sur le numérique et d'autres sujets, ne sont pas la fin de l'histoire, la fin de notre action européenne ou de l'ambition du président. Pas du tout, ce ne sont que des étapes", ajoute-t-elle.
(Edité par Yves Clarisse)