STRASBOURG (Reuters) - Le procès de l’explosion d’un vapocraqueur qui a fait deux morts et six blessés en 2009 sur le site Total (PA:TOTF) Petrochemicals de Carling, en Moselle, s’ouvre lundi devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines.
La filiale pétrochimique de Total et l’un de ses cadres, Claude Lebeau, qui était à l’époque directeur de l’usine, comparaîtront jusqu’à vendredi pour répondre d’homicides et blessures involontaires.
Total Petrochemicals, qui conteste sa responsabilité, n’a pas souhaité faire de commentaire avant l’ouverture du procès.
La déflagration s'était produite le 15 juillet au moment où les ouvriers tentaient de rallumer un des surchauffeurs, un four à gaz qui augmente la température de la vapeur utilisée pour craquer le naphta, dérivé pétrolier à partir duquel sont produits l'éthylène et le propylène.
Maximilien Lemerre, un opérateur en formation de 21 ans et Jérôme Griffoul, âgé de 28 ans, sont morts sur le coup.
Le rallumage d’une telle installation est une opération rare, le vapocraqueur ayant vocation à fonctionner sept jours sur sept et 365 jours par an. Sa mise à l’arrêt, la veille, avait été provoquée par des infiltrations dues à un orage.
Une enquête interne réalisée à la demande du CHSCT (Comité hygiène, sécurité et conditions de travail) a révélé qu'un automatisme de sécurité, bloquant la sortie du gaz en cas d'absence de flamme, avait été désactivé plusieurs années auparavant pour cause de déclenchement intempestif.
TOTAL PARLE D'ERREUR HUMAINE
Dans son ordonnance de renvoi, le juge d’instruction Jérôme Hannoun reproche notamment à l’entreprise et à son directeur, d’avoir désactivé ces détecteurs "sans édicter des mesures compensatoires assurant un niveau de sécurité équivalent".
Total s’est défendu durant l’instruction de toute responsabilité en imputant implicitement l’accident à une erreur humaine ou au non respect de la procédure prescrite.
Les ouvriers auraient notamment dû vérifier que les pilotes, des sortes de veilleuses, étaient allumés. Cette vérification visuelle était rendue difficile par la présence de vapeur sous le surchauffeur, a toutefois estimé un expert judiciaire.
Pour Me Philippe Honneger, avocat de la famille de Maximilien Lemerre et d’un des ouvriers blessés, le procès est celui de "David contre Goliath, celui des gens qui meurent sur l’autel du profit des multinationales".
"Une seule question se pose : est-ce que Total a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer ce jour-là la sécurité des salariés sur le site ?" a-t-il ajouté, en répondant à Reuters.
Le vapocraqueur soufflé par l’explosion n’a jamais redémarré. Le second, jugé insuffisamment rentable, a été définitivement arrêté fin 2015.
La plateforme de Carling a lancé en contrepartie un vase plan d’investissement pour se spécialiser dans les résines d’hydrocarbures et les polymères, des productions à plus forte valeur ajoutée. Les effectifs du site, qui étaient de 800 personnes en 2009 sont tombés à 550, sans licenciement.
(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)