Maintenant que le dollar convole de nouveau avec les 120 yens, il n'y a pas de raison qu'il ne monte pas davantage, car plusieurs facteurs poussent en ce sens, jugent en majorité les analystes.
125, 128, 130, 140 yens: les chiffres s'alignent en ordre croissant dans la presse économique nippone, qui se perd en conjectures sur les intentions des fonds spéculatifs et autres acteurs du marché.
Il y a les prudents, qui mettent en garde contre un violent retournement de situation, comme Yunosuke Ikeda, expert des changes chez Nomura.
"Il se peut certes que le dollar, qui a déjà pris 45 yens en trois ans, atteigne momentanément 122-123 yens, mais ce qu'il faut plutôt craindre d'ici à la fin de l'année, c'est un rachat soudain de devise nippone", prévient-il dans les colonnes du quotidien Nikkei.
La raison ? Le désir de certains d'empocher des bénéfices en revendant des dollars contre des yens, ce après les élections législatives du 14 décembre au Japon et vers le 17 décembre, jour où le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) rendra sa décision après deux jours de réunion.
Puisque le gouvernement aussi commence à s'inquiéter de la baisse trop forte du yen, "le rythme de descente va en tout cas se ralentir", ajoute M. Ikeda.
Comme il le faisait dans le passé en tant que Premier ministre lorsque le yen était fort, l'actuel ministre des Finances, Taro Aso, a jugé récemment les mouvements "trop rapides sur le marché des changes".
Car le recul du yen n'a pas que l'avantage de gonfler les recettes encaissées en devises à l'étranger, il renchérit les prix des produits importés, au détriment de la balance commerciale nippone (ancrée dans le rouge), et au grand dam des petites entreprises (qui voient leurs coûts augmenter puis leurs marges se réduire) et des consommateurs sur qui se répercute l'augmentation des tarifs en amont.
Toutefois, "le Premier ministre Shinzo Abe, lui, veut continuer de bénéficier d'un yen faible", tempère Robert Dujarric, directeur des études asiatiques à l'Université Temple de Tokyo.
Le chef du gouvernement préfère apparemment aider (par des subventions) ceux qui souffrent du yen faible plutôt que de favoriser une remontée de la monnaie nationale alors que les grosses entreprises, qui en profitent grandement, doivent être le moteur de l'économie du Japon tant à l'extérieur qu'à domicile.
- Vers un record depuis 2000 au moins ? -
Face aux prudents, il y a donc les nombreux autres analystes persuadés que 120 yens n'est qu'une étape dans une ascension dont le sommet est encore loin, quelque part vers 130-140 yens.
C'est que "la chute du Japon dans la récession accentue les pressions désinflationnistes de l'économie et accroît la divergence entre la politique monétaire japonaise et celle des Etats-Unis", dont la reprise de la croissance se confirme, explique Marcel Thieliant, de Capital Economics.
Il prévoit donc que "la Réserve fédérale américaine va relever ses taux d'intérêt plus tôt et plus que les marchés ne l'anticipent actuellement, avec la première hausse à venir dans la première moitié de l'année prochaine et peut-être dès mars".
"Inversement, la Banque du Japon vient d'intensifier ses achats d'actifs et sera probablement amenée à faire beaucoup plus", poursuit-il.
Par cette combinaison, il dit s'attendre à ce que "le dollar passe de 116 yens en novembre à 130 yens mi-2015 et à 140 yens d'ici la fin de l'année prochaine".
Le cas échéant, il dépasserait le cours le plus fort recensé depuis 2000 qui était de 135,20 yens en janvier 2002.
Pour le moment, parmi les analystes consultés par l'AFP ou des médias nippons, nul ne dit mieux. La moyenne tourne plutôt autour de 128 yens.
"Reste qu'il y a encore de la marge de vente de yens pour les spéculateurs étrangers", confirme dans le Nikkei Osamu Takashima, de CitiBank.